Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour faire comme Victoria, dont elle est du reste une dépendance commerciale et avec laquelle elle a un traité spécial qui permet l’échange libre des productions naturelles et artificielles des deux colonies.

Victoria a réussi à garder chez elle ses artisans, et, à force de capitaux anglais, à couvrir les environs de sa capitale d’usines et de manufactures. Elle a pu jusqu’ici écouler l’excédent de ses produits manufacturés sur les marchés de la Nouvelle-Galles ouverts librement au commerce du monde ; mais à l’heure actuelle, elle se voit menacée de perdre ce débouché si le parti protectionniste arrive à se maintenir au pouvoir dans cette dernière province. La fédération des colonies australiennes peut seule parer à cet événement qui serait indubitablement désastreux pour Victoria. Il est certain que les avantages économiques, que la possession des mines de charbon de Newcastle et de Wollongong, et surtout la présence d’immenses dépôts de minerais de fer dans le voisinage de cette dernière ville, située à quelques lieues au sud de Sydney, ne manqueraient pas d’attirer le capital et l’industrie autour de ces importans centres. Victoria ne possède ni charbon ni fer dans des conditions d’exploitation économique, et se voit par conséquent obligée de s’adresser à sa puissante voisine qui lui fournit ces indispensables élémens de la grande industrie moderne. Or les manufacturiers et par suite la classe ouvrière à Melbourne souffrent déjà beaucoup, car ils commencent à ne plus trouver de débouchés pour leur production toujours croissante. En termes généraux, l’infériorité des produits, lorsqu’on les compare aux mêmes articles de fabrication anglaise ou continentale, et le prix exorbitant de la main-d’œuvre locale enferment l’industrie victorienne dans les limites de l’Australasie britannique. Il n’y a pour elle aucune concurrence possible à établir avec l’industrie européenne sur les marchés de l’Asie, de l’Afrique du Sud ou de l’Amérique méridionale, qui sont les plus rapprochés de l’Australie. Qu’arriverait-il donc si la Nouvelle-Galles venait à adopter une politique protectionniste qui fermerait le seul marché sur lequel Victoria peut disposer de l’excédent de sa production industrielle ? A l’heure actuelle, avec 2 millions de cliens, cette production dépasse déjà considérablement la consommation, et plus d’une industrie chôme en conséquence ; il n’est pas difficile de prévoir quel serait le résultat si le nombre des cliens venait tout d’un coup à diminuer de moitié. Qu’adviendrait-il alors de cette vaste population de près de 500,000 habitans (le chiffre exact pris au recensement du 5 avril 1891 est de 489,000, représentant 42 pour 100 de la population totale de la colonie) accumulée dans la métropole victorienne ? On conçoit aisément que le