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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/528

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sentez hors de la république parce que vous êtes contestés par eux, c’est vous-mêmes qui légitimez, par la plus étrange des obéissances, la plus injustifiable des usurpations. Sous la république, voici le droit : chaque parti est maître d’imposer son orthodoxie à ses fidèles et d’excommunier ses hérétiques ; aucun parti n’est juge des autres, entre tous l’arbitre souverain est le peuple. Quand les hommes aujourd’hui aux affaires vous dénieront le titre de républicains, cela signifiera seulement que vous ne pensez pas comme eux, cela ne décidera pas lesquels, d’eux ou de vous, pensent le mieux. Pourquoi vous émouvoir qu’ils attestent violemment cette contradiction de doctrines ? Vous auriez plus juste sujet de plainte si leur attitude permettait qu’on vous crût des leurs. Quoi d’étonnant qu’ils vous excluent, vous qui voulez les remplacer, et que vous importe qu’ils ne vous croient pas, si la France vous croit ? — Quoi ! avoir rien de commun avec de tels hommes ? — Oui, le champ de bataille où ils sont établis et où il faut les joindre pour les vaincre. — Et si c’est la défaite ? — Soit, le succès de cet effort est douteux ; mais, sans cet effort, votre défaite n’est pas douteuse, et il s’agit de savoir lequel vaut mieux, le remède hasardeux ou la mort certaine. Jusqu’au jour où le gouvernement voulu par la France, vous aurez mis la France en demeure d’accepter à son tour la politique conservatrice, on aura le droit de croire que dans le mal présent il y a de votre faute. Plus ce mal est grand, plus vous devez vous hâter, car tout retard à votre accession à la république est un retard à l’avènement de votre influence.


III

Les souvenirs, les dégoûts et les préjugés se liguent en vain contre cette solution nécessaire. Elle gagne chaque jour des intelligences en France, et même dans le lieu de France où les idées pénètrent avec le plus de lenteur et d’où elles se répandent avec le plus de puissance, dans le parlement.

Là un précurseur avait, il y a plusieurs années, vu et annoncé le devoir. Raoul Duval avait conquis son renom par des luttes passionnées contre les révolutionnaires quand il résolut d’accepter le régime établi. La fougue d’une volonté qui ne connaissait pas l’hésitation, d’une intelligence qui avait pour la vérité les impatiences de l’amour, un tempérament de soldat qui n’eût pas cru le courage complet sans la témérité, le jetèrent d’un coup dans la