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Si l’on oubliait que l’original est en latin, on pourrait croire qu’il s’agit des voyages du capitaine Cook, et cela est si vrai que, dans le récit de sa première expédition autour du monde, le grand navigateur, arrivé à l’île de Savu, en fait lui-même la remarque.

A part quelques détails, les peuples celtiques de la future Angleterre étaient pareils de caractère aux habitans de notre pays[1]. Braves comme eux, avec une fougue désordonnée qui leur nuisit souvent (la fougue de Poitiers et de Nicopolis), curieux, ardens, prompts à se quereller, ils combattaient de la même façon que les Gaulois, avec les mêmes armes, et l’on a retrouvé dans la Witham et dans la Tamise des boucliers de bronze semblables de forme et de ciselure à ceux dont l’image gravée sur l’arc de triomphe d’Orange rappelle depuis dix-huit siècles les victoires des Romains sur les Celtes du continent. Le mot d’Horace sur nos ancêtres s’applique également bien aux Bretons ; jamais ils ne « craignirent les funérailles. » Ils avaient les mêmes croyances que les Gaulois, les mêmes druides, la même foi dans l’immortalité de l’âme.

Ils avaient encore, en commun avec les habitans de notre pays, une merveilleuse aptitude à apprendre. Peu de temps après l’occupation romaine, il devient difficile de discerner parmi les objets retrouvés dans les tombeaux la main-d’œuvre celtique du travail latin. César s’étonne souvent de voir ses adversaires se perfectionner sous ses yeux ; de simples qu’ils étaient d’abord, devenir habiles à leur tour et deviner et déjouer ses subterfuges militaires. De cette intelligence et de cette curiosité vient, avec ses grands avantages et ses grands inconvéniens, la faculté d’assimilation possédée par cette race, et qu’aucune autre en Europe n’a manifestée au même degré.

Enfin les auteurs latins admiraient chez les Celtes une habileté de parole, une faconde, une promptitude à la riposte qui les distinguaient des Germains. Les gens des Gaules, disait Caton, ont deux passions, se bien battre et bien parler : rem militarem et argute loqui. Il nous est facile de contrôler le jugement des Romains, car des monumens nombreux de la littérature des Celtes de Grande-Bretagne nous sont parvenus. Les plus anciens sont des poèmes et des récits irlandais, se rattachant au cycle épique de Conchobar et de Cuchulaïnn. D’autres plus récens sont d’origine galloise. En Irlande mieux qu’ailleurs, le génie celtique se développa et s’épanouit, les étrangers y étant demeurés

  1. Le sud-est était même occupé par des Gaulois venus du continent à une époque récente. Les Iceni étaient une tribu gauloise, les Trinobantes étaient des Gallo-Belges.