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importante se donnait à elle-même le nom de Bretons. De là le nom de Bretagne porté par le pays ; plus tard celui de Grande-Bretagne, qui est aujourd’hui le nom officiel de l’Angleterre. Les Bretons paraissent avoir émigré des Gaules, prolongeant vers le nord cette domination celtique à laquelle, pendant un temps, le quart de l’Europe fut soumis. L’Espagne, la Gaule proprement dite, l’Italie du nord, le bassin du Danube appartenaient aux Celtes, et le centre de leurs possessions était en Bavière.

Pendant de longs siècles, le monde méditerranéen ignora ce qui se passait dans la grande île, et nous l’ignorons de même à présent. Le centre de la civilisation s’était plusieurs fois déplacé et était venu, en dernier lieu, d’Athènes se fixer à Rome, sans qu’on sût autre chose que l’existence au nord des Gaules d’une vaste terre entourée d’eau, riche en mines d’étain, couverte de forêts, de prairies et de marécages, d’où s’élevaient d’épais brouillards. C’est à peu près tout ce qu’en avait raconté un Grec de Marseille nommé Pythéas, contemporain d’Aristote, qui avait fait, vers 330 avant Jésus-Christ, le voyage de la Grande-Bretagne.

Trois siècles passent ; les Romains se sont installés en Gaule ; César à la tête de ses légions a vengé la Ville des insultes de « Brennus ; » mais la lutte dure toujours ; Vercingétorix n’a pas encore paru. Avec ce sentiment de la fraternité si profondément enraciné chez les Celtes et dont on peut voir même aujourd’hui, d’un bord de l’Atlantique à l’autre, les effets redoutables, les Bretons avaient secouru contre l’envahisseur leurs compatriotes du continent. César résolut de conduire ses troupes sur l’autre rive de la Manche, mais il ne savait rien du pays, et il voulut d’abord se renseigner. Il interrogea les marchands ; ils lui apprirent peu de chose : ils ne connaissaient que les côtes, prétendaient-ils, encore les connaissaient-ils mal. César s’embarqua à minuit, le 24 ou 25 août, l’an 55 avant Jésus-Christ ; il mit un peu plus de temps pour traverser le détroit qu’il n’en faut aujourd’hui pour aller de Paris à Londres. Son expédition fut un vrai voyage de découverte ; aussi prit-il soin, pendant ses deux séjours, de questionner le plus de monde possible et de noter tout ce qu’il put observer des mœurs des indigènes. Le portrait qu’il trace de ces premiers habitans de l’Angleterre paraît aujourd’hui bien étrange : « La plupart des peuples de l’intérieur, écrit-il, ne sèment point, ils vivent de lait et de viande et s’habillent de peaux de bêtes. Tous les Bretons se teignent avec du pastel de couleur bleue ; cela rend leur aspect horrible dans les combats. Ils portent les cheveux longs et se rasent tout le corps, excepté les cheveux et la moustache. »