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tous les jours aux enfans. Ceux-ci manifestent quelque aversion pour le grec ; elle se met à l’étudier, prend un maître et affecte un grand enthousiasme pour cette langue ; au bout de six semaines, ils réclamèrent un professeur et elle attacha à leur éducation un excellent helléniste, M. Le Coupey ; ils apprirent très bien le grec et dans sa chambre ; d’ailleurs, ils ont des maîtres de toutes les choses qu’elle n’enseigne pas elle-même. Aux promenades du matin, on ne cause qu’en allemand ; à celles du soir, au dîner, en anglais ; on soupait en italien. Un pharmacien, bon botaniste, bon chimiste, les accompagne ; un Polonais, M. Mérys, enseigne le dessin ; il fit une lanterne magique historique, peignit sur verre l’histoire sainte, l’histoire ancienne, l’histoire romaine, celle de la Chine et du Japon ; les élèves la montrent tour à tour une fois par semaine. A Saint-Leu, chacun a un jardinet qu’il cultive lui-même. La gouvernante invente une gymnastique proportionnée à leurs forces : poulies, hottes, lits de bois, souliers de plomb, courses, sauts dans les sautoires ; elle fait mettre en action et jouer les voyages les plus célèbres, ceux de Vasco de Gama, de Snelgrave : magasin de costumes, la belle rivière du parc de Saint-Leu, une suite de petits bateaux figurant la mer, la flotte, rien ne manque. Un petit théâtre portatif sert à exécuter des tableaux historiques dont les spectateurs doivent deviner le sujet, et, bien entendu, il y aura une salle de comédie pour les pièces de la gouvernante ; on y joue aussi des pantomimes, celle de Psyché persécutée par Vénus, très applaudie par le peintre David : Mme de Lawœstine, âgée de quinze ans, représentait Vénus, sa sœur Psyché, et Paméla l’Amour. Aux pures tout est pur.

Locke conseillait le jardinage et la profession de charpentier ; on saura divers métiers : tourneur, gainier, vannier, menuisier ; lacets, rubans, gaze, cartonnage, plans en relief, fleurs artificielles, papier marbré, dorure sur bois, ouvrages en cheveux, palais des cinq ordres d’architecture, intérieurs de laboratoire, cabinets de physique, tout cela se fait pendant les récréations. Avec l’aide du duc de Montpensier, le duc de Valois fabrique parfaitement bien une grande armoire avec une table à tiroir pour l’ameublement d’une pauvre paysanne. A Paris, toutes les promenades sont instructives ; c’est tantôt des musées, des salles d’histoire naturelle, tantôt des manufactures qu’on visite : ainsi les enfans s’initient aux différentes branches d’industrie, écoutent les ouvriers en se faisant connaître d’eux et s’intéressent à leurs peines. Pendant une course à une fabrique d’épingles, la gouvernante reprocha aux princes de n’avoir rien dit et interdit la parole aux jeunes filles. Elle regrette qu’en général les princes français meurent de peur de manquer de grâces et de jolies manières, aussi veut-elle que ses élèves