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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/702

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diplomate entremetteur, vient prêter serment à ses nouveaux souverains. Mais décidément Gaétan refuse le trône ; Enguerrande, à son défaut, est proclamée reine et fait arrêter Gaétan. Voilà pour les deux premiers actes. Au troisième, Gaétan est captif dans son atelier de sculpteur. Le souvenir l’obsède de la beauté contemplée sans voile, et l’argile sous ses doigts prend d’elle-même la forme divine de la bien-aimée. Pour vaincre les scrupules du prince récalcitrant, afin qu’il se parjure et qu’il règne malgré lui, Mélibée et Enguerrande usent d’un étrange stratagème. Une petite bouquetière, Noëma, dont le père est proscrit, vient présenter à Gaétan un décret d’amnistie. Sans réfléchir et n’écoutant que son bon naturel, le jeune homme signe. Il a fait acte de roi ; il est donc roi. Mais à peine Pest-il, qu’Enguerrande n’est plus reine. Ils abdiquent et s’enfuient tous deux sur une plage déserte, où la chanson des vagues bercera leurs amours.

Par malheur, Naples a déclaré la guerre à Palerme ; et tandis que Gaétan s’oublie dans les bras d’Enguerrande, ses concitoyens marchent au combat. Va-t-il les suivre ? Oui, car Enguerrande, avec le geste familier aux amantes héroïques, lui tend une épée : « Va te battre ! » Il va et quelques minutes après, percé de coups, il revient mourir près de la bien-aimée, qui meurt elle-même avec lui.

L’histoire est assez saugrenue, mais le fond n’approche pas de la forme. L’esprit de cette œuvre est étrange ; la lettre, plus étrange encore. En tout drame lyrique aujourd’hui, les paroles important beaucoup, parfois plus que la musique, il convient de citer ici quelques vers de M. Bergerat, pieusement transcrits pour le chant par M. Wilder. On sait que notre érudit et hardi confrère appelle de tous ses vœux la révolution dans la poésie non moins que dans la musique de théâtre. Las de l’appeler et la trouvant trop lente, il a voulu lui-même l’accomplir ; d’apôtre, il s’est fait ouvrier. Sous son puissant patronage il a pris un poète et un musicien de son choix. Nous parlerons tout à l’heure de la musique ; mais donnons d’abord quelques échantillons de la poésie. Nous sommes loin, avec M Wilder, des rimes de romance et des vers de mirliton. Pauvres librettistes d’antan ! Misérable Scribe ! piètre auteur des Huguenots et du Prophète ! Eût-il jamais trouvé les rimes funambulesques de ce distique :


Il appert du cachet que cette cire accuse,
Que ce vin, compagnon, serait du Syracuse.


Ainsi jadis, pour mieux graver dans notre mémoire les départemens et les chefs-lieux de la France, on nous disait poétiquement :


Ille et Vilaine au roi d’abandonner la Rennes.