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citadelle de la révolution sociale et de l’internationalisme. La vraie et significative cérémonie n’a pas été la cérémonie officielle, c’est celle qui a suivi. Là, on ne s’est plus gêné ! On a acclamé la Commune, on a péroré contre l’idée surannée de patrie, on a plus que jamais déclaré la guerre à la société, à l’ordre bourgeois, à la république du capital et du patronat ! De plus, si on a cru ouvrir un asile libre et neutre à tout le monde du travail, on s’est fait une étrange illusion. Les nouveaux maîtres, à qui on a remis les clés de la maison, ne l’entendent pas ainsi. Ils commencent par exclure de leur propre autorité ceux qui leur déplaisent, les syndicats mixtes, les ouvriers qui refusent de subir leur loi. La maison est à eux !

Ainsi on a dépensé les millions de la ville pour élever ce monument ; on met au compte du budget municipal les frais d’un entretien et de services coûteux : et tout cela pour créer au cœur de Paris une sorte de club central où l’on mettra la société française en accusation, où l’on déclamera contre la patrie, contre l’armée nationale, où l’on excommuniera les ouvriers indépendans ! Le conseil municipal de Paris joue en vérité un rôle de dupe : ce n’est plus désormais l’Hôtel de Ville, c’est la Bourse du travail qui est le palais désigné des révolutions futures, — si on les laisse passer. Tout ce qu’on demande au conseil parisien, c’est de payer sans murmurer. Voilà où l’on en vient avec la complicité des pouvoirs publics ! on a laissé tout dire et tout faire depuis des années ; on a encouragé, soldé le désordre, — et on se réveille en face des explosions anarchistes, des préparations de guerre sociale, des manifestations de la Bourse du travail, de l’internationalisme, des grèves ruineuses, — et des conseils municipaux socialistes de Marseille ou de Roubaix, occupés, eux aussi, à mettre la révolution dans leur cité !

Au fond, c’est là toute la situation qui s’est dévoilée ou accentuée de plus en plus dans ces dernières semaines et devant laquelle les plus optimistes, surpris et déconcertés, ne laissent pas peut-être d’éprouver quelque inquiétude. Manifestement, comme on l’a dit si souvent, il y a quelque chose à faire pour la défense de l’ordre menacé, pour l’avenir de la république elle-même qui ne tarderait pas à être ébranlée si elle cessait d’être un gouvernement pour n’être plus que le jouet des factions. Que pense-t-on faire cependant ? M. le président du conseil, il est vrai, promet une vigilante activité qui lui a valu récemment l’appui presque unanime de la chambre contre l’interpellation d’un socialiste parisien, et il paraît disposé à profiter de l’occasion pour réorganiser la police. On parle de mesures administratives pour surveiller et régler l’emploi de la dynamite. M. le garde des sceaux lui-même, entre deux poursuites contre des évêques, a trouvé le temps de préparer un bout de loi contre les excitations aux attentats. On fait ce qu’on peut : soit ! mais il est bien clair que dans tout