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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/720

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est aussi un Piémontais, ancien ingénieur des constructions navales, ancien ministre de la marine avec M. Crispi ; son titre à la direction de la diplomatie italienne est sans doute d’être un chaud partisan de la triple alliance. Le ministre des finances, M. Ellena, autre Piémontais, est un financier ou un douanier expert, qui a plus que tout autre contribué il y a quelques années à la rupture commerciale de l’Italie avec la France. Le ministre des travaux publics, M. Genala, est encore un Piémontais. Le midi est représenté dans le cabinet par M. Lacava et M. Finocchiaro. Le midi trouvera peut-être son lot un peu maigre ! Au demeurant, qu’est-ce que ce ministère Giolitti ? On ne le voit pas trop. Il n’est pas de la droite ; il est à peu près de la gauche ou du centre gauche, si ces mots ont encore un sens dans la confusion des opinions et des partis qui règne au-delà des Alpes. Il est assez pâle, et ce qu’il y a de plus clair, c’est que le ministère est le protégé de M. Crispi et de M. Zanardelli, qui paraissent avoir été les arbitres de la combinaison nouvelle.

Que peut-il sortir de ces derniers mouvemens pour l’Italie, pour la direction de sa politique, pour ses finances ? Évidemment M. Giolitti s’est placé dès l’abord dans une de ces positions fausses, où il ne peut rien parce qu’il ne représente rien. Il a contre lui la droite, avec laquelle il a refusé de s’entendre, l’extrême gauche qui lui reproche d’être le pâle continuateur d’une politique extérieure, compromettante pour l’Italie ; il n’a qu’à demi la gauche, le centre gauche, qui ne lui prêtent qu’un appui douteux. En réalité, aux yeux de tous, il passe pour être le prête-nom de M. Crispi, pour tenir la place et préparer le retour de l’ancien président du conseil de tapageuse mémoire. Ce qu’il y a de faux ou d’équivoque dans cette situation ne pouvait manquer d’éclater à la première rencontre du nouveau ministère avec le parlement. À peine les chambres ont-elles été réunies en effet, la discussion s’est vivement ouverte sur la dernière crise, sur la politique ministérielle, et M. Giolitti est resté avec sa faiblesse ; il s’est trouvé visiblement embarrassé entre des adversaires déçus, impatiens, et des amis assez tièdes. Le nouveau président du conseil a parlé en homme peu sûr de lui-même, sans rien dire de précis et de clair sur les finances. Il a promis de faire des économies, de réorganiser les services administratifs, de réduire le déficit ; il n’est pas allé jusqu’à promettre de s’interdire les nouveaux emprunts et même les impôts nouveaux. En un mot, il a été aussi vague que possible sur ces malheureuses finances italiennes. En revanche, il n’a point hésité à déclarer que l’Italie ne pouvait se dégager des traités qui la lient, qu’elle devait rester par ses armemens à la hauteur de son rôle d’alliée des grandes puissances militaires de l’Europe : à quoi on a pu lui répondre qu’on ne connaissait même pas ces traités pour lesquels on demandait des sacrifices toujours nouveaux au pays. Bref, la discussion tournait