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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/768

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en place que des hommes sûrs ; au bout de six ans, presque tous les recteurs, proviseurs et professeurs de philosophie, beaucoup d’autres professeurs, nombre de censeurs[1], seront des prêtres. A la Sorbonne, nous avons fait taire M. Cousin, et nous remplaçons M. Guizot par M. Durosoir ; au Collège de France, nous avons destitué Tissot et nous n’agréons pas Magendie. Nous « supprimons » en bloc la Faculté de médecine afin d’avoir, en la reconstituant, les mains libres, et d’en exclure onze professeurs mal notés, entre autres Pinel, Dubois, de Jussieu, Desgenettes, Pelletan et Vauquelin. Nous supprimons un autre foyer d’insalubrité, l’École normale supérieure, et, pour recruter notre corps enseignant, nous instituons[2], au chef-lieu de chaque académie, une sorte de noviciat universitaire où les élèves, peu nombreux, choisis exprès, préparés dès l’enfance, s’imbiberont plus à fond et à demeure des doctrines saines qui conviennent à leur futur état.

Nous laissons les petits séminaires se multiplier et se remplir jusqu’à comprendre 50,000 élèves. C’est l’évêque qui les fonde ; aucun éducateur ou inspecteur de l’éducation n’est si digne de confiance : partant, nous lui conférons, « en tout ce qui concerne la religion[3], le droit de surveillance sur tous les collèges de son diocèse, » la charge « de les visiter lui-même ou de les faire visiter par un de ses vicaires-généraux, » la faculté « de provoquer auprès du conseil royal de l’instruction publique les mesures qu’il aura jugées nécessaires. » Au sommet de la hiérarchie siège un Grand-Maître avec les pouvoirs et le titre de M. de Fontanes, avec un titre de plus, celui de membre du cabinet et de ministre de l’instruction publique, M. de Freyssinous, évêque d’Hermopolis[4]et, dans les cas difficiles, cet évêque, placé entre sa conscience catholique et les articles positifs du statut légal, « sacrifie la loi »

  1. Liard, ibid., p. 840 ; discours de Benjamin Constant à la chambre des députés, 18 mai 1827.
  2. Ordonnances du 21 novembre 1822, article 1er, et du 2 février 1823, article 11.
  3. Ordonnances du 6 septembre 1822, et du 21 février 1821, titre VI, avec rapport de M. de Corbières.
  4. Liard, ibid., p. 840. (Circulaire adressée aux recteurs par Mgr de Freyssinous aussitôt après son installation) : — « En appelant à la tête de l’instruction publique un homme revêtu d’un caractère sacré, Sa Majesté a fait assez connaître à la France entière combien elle désire que la jeunesse de son royaume soit élevée dans des sentimens monarchiques et religieux… Celui qui aurait le malheur de vivre sans religion, ou de ne pas être dévoué à la famille régnante, devrait bien sentir qu’il lui manque quelque chose pour être un digne instituteur de la jeunesse. Il est à plaindre, et même il est coupable. » — Ambroise Rendu, par Eugène Rendu, p. 111. (Circulaire aux recteurs en 1817) : — « Faites connaître à MM. les évêques et à tous les ecclésiastiques que, dans l’œuvre de l’éducation, vous n’êtes que des auxiliaires, et que l’objet de l’instruction primaire est surtout de fortifier l’instruction religieuse. »