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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/767

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scolaire plus ou moins indépendant et spontané, le gouvernement de la monarchie restaurée préfère l’Université impériale, une, unique, cohérente, disciplinée et centralisée.

En premier lieu, il gagne à cela un vaste personnel de salariés et de créatures, tout le personnel enseignant[1], sur lequel il a prise par ses faveurs ou ses défaveurs, par l’ambition et le désir d’avancement, par la crainte d’une destitution et le souci du pain quotidien, d’abord plus de 22,000 instituteurs primaires, des milliers de professeurs, proviseurs, censeurs, principaux, régens, répétiteurs et maîtres d’étude dans les 36 lycées, dans les 368 collèges, dans les 1,255 institutions et pensions ; ensuite, plusieurs centaines d’hommes importans, tous les personnages considérables de chaque circonscription universitaire, les administrateurs des 28 académies, les professeurs de Faculté dans les 23 Facultés des lettres, dans les 10 Facultés des sciences, dans les 7 Facultés de théologie, dans les 9 Facultés de droit, dans les 3 Facultés de médecine ; ajoutez-y les savans du Collège de France, du Muséum, de l’École polytechnique, de tous les établissemens de haute instruction, spéculative ou pratique : entre tous, ils sont les plus accrédités et les plus influens ; on tient en eux la tête de la science et de la littérature : par eux et par leurs seconds ou suivans de tout degré dans les Facultés, Lycées, Collèges, petits séminaires, institutions, pensions et petites écoles, on peut imposer ou suggérer des croyances et des opinions aux 2,000 étudians en droit, aux 4,000 étudians en médecine, aux 81,000 élèves de l’enseignement secondaire, aux 700,000 écoliers de l’enseignement primaire. Conservons et employons cet admirable engin ; mais appliquons-le à nos fins, utilisons-le pour notre service. Jusqu’ici, sous la République et l’Empire, ses fabricans, plus ou moins jacobins, l’ont manœuvré dans leur sens, à gauche ; manœuvrons-le dans notre sens, à droite. Pour cela, il suffit de l’orienter à nouveau, et bien ; désormais, « les bases de l’éducation[2]seront la religion, la monarchie, la légitimité et la charte. »

A cet effet, nous, le parti dominant, nous usons de nos droits légaux ; à la place des rouages mauvais, nous en mettons de bons ; nous épurons notre personnel, nous ne nommons ou ne laissons

  1. Basset, censeur des études au collège Charlemagne, Coup d’œil général sur l’Éducation et l’Instruction publique en France (1816), p. 21. (État de l’Université en 1815.)
  2. Ordonnance du 21 février 1821, article 13, et Rapport de M. de Corbières : « La jeunesse réclame une direction religieuse et morale… La direction religieuse appartient de droit aux premiers pasteurs : il convient de réclamer d’eux pour ces établissemens (les collèges de l’Université) une surveillance continuelle, et de les appeler légalement à provoquer toutes le » mesures qu’ils croiront nécessaires. »