Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/912

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

(Hautes études), où il a bien voulu se soumettre à plusieurs reprises à nos expériences. Nous avons puisé dans nos recherches la conviction que M. Inaudi, par le développement extraordinaire de sa mémoire, peut soutenir la comparaison avec tous les calculateurs connus.


I.

Jacques Inaudi est né le 13 octobre 1867 à Onorato, dans le Piémont ; il est d’une famille pauvre, et ses parens se trouvent encore aujourd’hui dans des situations modestes ; un de ses frères est garçon de café, un autre cordonnier. Jacques passa ses premières années à garder des moutons. C’est vers l’âge de six ans qu’il fut pris par la passion des chiffres. Tout en veillant sur le troupeau, il combinait des nombres dans sa tête. Bien différent de la plupart des calculateurs connus, il ne cherchait pas à donner à ses calculs une forme matérielle, en comptant sur ses doigts ou au moyen de cailloux comme le faisaient Mondeux et Ampère. Toute l’opération restait mentale, et se faisait avec des mots ; il se représentait les nombres par les noms que son frère aîné lui avait récités. Ni lui, ni son frère ne savaient lire à cette époque. Il apprit donc par l’oreille les noms de la série des nombres jusqu’à cent, et il se mit à calculer avec ce qu’il savait ; quand il eut épuisé ses premières connaissances, il demanda qu’on lui apprît les nombres supérieurs à cent, afin d’étendre le domaine de ses opérations ; il ne se rappelle pas que son frère lui ait enseigné la table de multiplication. Ces circonstances du premier âge ont peut-être exercé sur les procédés de M. Inaudi une influence particulière que nous indiquerons plus loin.

Grâce à un exercice continuel, et surtout grâce à ses aptitudes prodigieuses, le jeune calculateur fit des progrès rapides. À sept ans, nous dit-il, il était déjà capable d’exécuter de tête des multiplications de cinq chiffres.

Bientôt le jeune pâtre piémontais abandonna le pays natal pour faire, à la suite de son frère, une course vagabonde en Provence ; le frère jouait de l’orgue, Jacques exhibait une marmotte et tendait la main ; pour augmenter ses petits bénéfices, il proposait aux personnes qu’il rencontrait d’exécuter pour elles des opérations de calcul mental ; sur les marchés, il aidait les paysans à faire leurs comptes ; il se montrait aussi dans les cafés, et résolvait avec une grande rapidité toutes les opérations d’arithmétique qu’on lui po-