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sait. Un imprésario s’empara de lui et lui fit donner des représentations dans les grandes villes. Il vint pour la première fois à Paris en 1880, et fut présenté à la Société d’anthropologie par Broca, qui écrivit même sur ce cas une courte note. Broca constate que la tête du jeune Inaudi est très volumineuse et très irrégulière ; il relève un certain nombre de déformations qu’on retrouve encore aujourd’hui, mais un peu effacées. « L’enfant, ajoute-t-il, est très intelligent ; son regard est vif, sa physionomie animée. Il n’a aucune timidité ; il ne sait ni lire, ni écrire. Il a les chiffres dans la tête, mais ne les écrit pas. » Broca rapporte les calculs auxquels le jeune Inaudi se livre, il indique le temps nécessaire pour résoudre les problèmes posés, et il essaie même d’expliquer les procédés employés. Malheureusement, l’enfant était encore trop jeune à cette époque pour se faire bien comprendre, ce qui explique les quelques erreurs que Broca a pu commettre.

Depuis 1880, c’est-à-dire depuis douze ans, M. Inaudi a fait de très grands progrès ; d’abord, circonstance importante, il a appris à lire et à écrire ; et ensuite la sphère de ses opérations s’est agrandie ; son instruction, malheureusement tardive, est restée rudimentaire sur un grand nombre de points ; mais il a l’intelligence ouverte et l’esprit curieux ; son caractère est doux et modeste ; enfant, il était très espiègle ; il cause agréablement, avec bon sens, parfois avec ironie ; il est très habile aux cartes et au billard. On aurait tort de le considérer comme une simple machine à calculer.

C’est aujourd’hui un jeune homme de vingt-quatre ans ; il est petit (1m,52), il a l’aspect robuste d’un paysan mal dégrossi. La tête est très forte ; la figure est calme, régulière, surmontée d’un front immense, carré, aussi haut que large ; le nez est fin et droit, la bouche petite, l’angle facial très développé, presque droit (89°). À la Salpêtrière, sous la direction de M. Charcot, on l’a soumis à un long examen anthropométrique ; nous ne nous étendrons point sur le résultat de cet examen ; disons seulement que la face est légèrement asymétrique, et que le crâne est nettement plagiocéphale ; en somme, il présente quelques signes de dégénérescence, mais ces signes sont peu nombreux et peu importans.

Les opérations que M. Inaudi exécute sont des additions, des soustractions, des multiplications, des divisions, des extractions de racines ; il résout en outre, par l’arithmétique, des problèmes correspondant à des équations du premier degré. Ce sont là, pour lui, des exercices de calcul mental ; nous entendons par ces mots de calcul mental un calcul qui est fait de tête, sans que la personne emploie la lecture des chiffres, ou l’écriture, ou un moyen matériel