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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/952

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langage, ce n’est pas bien étonnant : c’était peut-être de la dignité de la part d’un prélat qui aurait paru, par une affectation d’empressement, chercher à désarmer ceux qui lui ont enlevé son traitement. M. l’évêque de Verdun, pour sa part, n’a point hésité, comme on dit, à rompre la glace. Il est allé droit à M. le président de la république, lui portant son adhésion franche, loyale, sans arrière-pensée au gouvernement « que le pays s’est donné. » Il lui a témoigné avec une libre et énergique familiarité ses sentimens de patriotisme et de dévoûment à la France, ses vœux de pacification, d’union entre toutes les « forces vives » qui font la force nationale. Et tout cela, il l’a dit sans faux-fuyans, sans diplomatie, en homme qui ne marchande pas à la république l’appui des forces catholiques si le gouvernement veut s’en servir en les respectant ; M. Carnot s’est hâté d’accepter loyalement ces paroles d’un « cœur chaud, respirant la droiture, » comme un gage de concorde et de paix, au début de son voyage. Il est certain que le discours de M. l’évêque de Verdun peut passer pour une des expressions les plus vives de ce mouvement de conciliation qui s’accomplit sous l’autorité du chef de l’Église lui-même. On ne dira pas plus, on ne le dira pas avec plus de rondeur et même de candeur.

Quant à la visite du grand-duc Constantin à Nancy, c’est évidemment de toute façon l’incident le plus caractéristique de ces fêtes de l’hospitalité lorraine. Le prince est arrivé à peu près à l’improviste, sans apparat, dans la ville tout animée et pavoisée, au milieu des réceptions et des cérémonies. Il a vu M. Carnot, il s’est entretenu familièrement avec M. le président de la république. Il a passé tout au plus quelques heures à Nancy : c’est tout et c’est assez. Cette visite pouvait être désirée, elle n’était pas prévue, elle avait été encore moins concertée, d’après toutes les apparences. Elle a eu le mérite d’une surprise. Elle a d’autant plus de signification, qu’elle a été visiblement un acte tout spontané de cordiale courtoisie de la part des Russes et qu’elle a coïncidé avec une entrevue que le tsar avait en ce moment même à Kiel avec l’empereur Guillaume II. L’empereur Alexandre III à Kiel, le grand-duc Constantin à Nancy, c’est un jeu de haute diplomatie ! Le sentiment français n’a pas manqué d’accueillir cet incident de la visite à Nancy, comme il est disposé depuis quelque temps à accueillir tout ce qui vient des Russes. Une fois de plus, on a mêlé la Russie et la France, le nom du grand-duc et le nom de M. Carnot dans les acclamations, dans les ovations. De sorte que tout concourt à relever l’importance du voyage présidentiel, et l’esprit politique qui a préparé ces fêtes, et la prudence des discours, et le langage des chefs du clergé, et la visite du grand-duc Constantin, et la spontanéité du sentiment public.

Oui, assurément, cette rapide excursion présidentielle a son importance et sa signification dans notre vie contemporaine. Les fêtes lor-