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si c’est aujourd’hui la saison des voyages, des diversions princières ou populaires, c’est aussi la saison des affaires, des crises ministérielles ou électorales. Par une coïncidence curieuse, en effet, voici trois ou quatre pays qui se préparent, sans trouble heureusement, non sans une animation visible et croissante, à renouveler leur parlement, leurs pouvoirs publics. Les urnes sont déjà ouvertes en Belgique pour la nomination de l’assemblée souveraine chargée de réviser la constitution ; elles ne tarderont pas à s’ouvrir en Italie, où une crise adoucie par un vote qui vient de sauver momentanément le nouveau ministère, ne peut se dénouer que par un appel prochain au pays. L’Angleterre elle-même, la plus vieille et la plus grande des nations parlementaires, n’est plus désormais qu’à quelques semaines, peut-être quelques jours, des élections qui vont décider et de l’avenir du ministère conservateur et de la direction de la politique britannique. Voilà un été qui dans quelques régions de l’Europe ne paraît pas devoir être tout entier aux fêtes et pourrait ménager bien des surprises ! Tout dépend partout d’un scrutin, qui lui-même peut dépendre de bien des circonstances générales ou locales.

Qu’en sera-t-il particulièrement en Angleterre ? à quel moment précis se feront les élections ? Sera-ce au mois de juillet, comme le présumait et le disait il y a quelques jours M. John Morley, un des chefs libéraux, ou un peu plus tard, au courant de l’automne ? Jusqu’ici, il est vrai, la date est restée indécise, le ministère a évité de s’expliquer. Ni lord Salisbury, ni M. Balfour, son premier et habile lieutenant, n’ont voulu dire d’abord leur secret : ils ont tenu à se réserver jusqu’au bout le choix du moment et à se donner le temps de préparer leurs chances. Ce qui est bien clair cependant, c’est que tout se concentre dans ces élections et que tout se dispose pour une lutte à courte échéance. La chambre des communes elle-même ne discute plus que d’un air distrait, sans intérêt, sur le gouvernement local d’Irlande, avec la persuasion qu’elle fait une œuvre inutile, avec le sentiment d’une fin toute prochaine. Le secret qu’on ne dit pas s’échappe de tous côtés. S’il n’y a pas eu d’ailleurs ce qu’on peut appeler des explications publiques, il y a eu certainement entre les chefs du gouvernement et les chefs de l’opposition des pourparlers confidentiels, une sorte d’accord pour expédier sans plus de retard, sans contestation, les affaires les plus urgentes et déblayer le terrain. De toutes parts, en même temps, dans tous les camps, on prépare ses armes ; les meetings se multiplient dans toute l’Angleterre, à Londres même ; les programmes se précisent, les mots d’ordre sont donnés. Bref, on peut dire que dès ce moment la bataille est engagée, et comme il arrive toujours dans un pays aux mœurs fortes et libres, elle est engagée grandement, sans subterfuges, sans puériles équivoques, non cependant sans être conduite avec toutes les ressources d’une tactique savante. Libéraux et