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Renaissance. M. Lombard a le sentiment très grave et très profond de ce rythme sculptural, moins net et plus compliqué que le rythme antique, mais plus apte à exprimer, sous des surcharges d’ajuste-mens ou d’accessoires, les inquiétudes ou les angoisses de l’intelligence moderne, tels que l’ont établi les grands Florentins en résumant et complétant les efforts du moyen âge. Il a fait de singuliers progrès depuis sa charmante Sainte Cécile ; c’était alors un décorateur élégant et délicat, mais chez lequel on ne pressentait pas la force soutenue qu’il a fallu pour mener à bien, dans un style autrement viril, souple et ému, ce beau groupe de Samson et Dalila.

Ce qui nous plaît dans l’œuvre de M. Lombard, c’est que, malgré sa parenté évidente avec les grands Florentins, c’est pourtant une œuvre qui date, une œuvre moderne, et que l’artiste, en représentant à nouveau l’éternelle histoire de l’homme fort et confiant, en proie à la femme faible et rusée, y a mis une certaine dose d’individualité. Un sculpteur anglais, certainement élevé à la même école, M. French, a développé avec plus de hardiesse encore les principes florentins dans son grand panneau de bronze, l’Ange de la mort et le Sculpteur. Cette composition, destinée au tombeau d’un artiste, est conçue dans le goût si noble et si délicat des peintres préraphaélites d’Angleterre, mais exécutée avec une conviction et une force que ces peintres ne possèdent pas toujours. Le fond est un grand bas-relief commencé, sur lequel commence à sortir une figure de sphinx ; à droite, en ronde bosse, le jeune sculpteur, en vêtemens de travail, le genou sur la plinthe, s’apprête à frapper d’un maillet le ciseau qu’il tient de la main gauche ; en ce moment, s’avance, venant de la gauche, une grande femme, traînant de lourdes draperies, le visage ombragé par un large pan de son voile comme par le rebord d’une vaste coiffure, ainsi que la Nuit des sarcophages antiques ; d’un geste calme et irrésistible, elle saisit la main de l’artiste au moment où le ciseau va toucher son œuvre, et le jeune homme, surpris, se retourne un peu, n’ayant eu le temps ni de pleurer, ni de crier. C’est saisissant, ému, grandiose, sans nulle emphase ni affectation. Les étrangers envoient moins dans le jardin qu’au premier étage ; mais leurs envois, d’une exécution souvent insuffisante au point de vue technique, y montrent parfois des recherches curieuses pour le sentiment, l’expression, le drame. Quand ils savent leur métier, comme M. French, cela devient tout à fait intéressant. On a justement remarqué aussi le Christ en croix, d’un Bohême, M. Myslbek. Nous faisons bon marché de la couronne d’épines déchirant le front du Sauveur, des