Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prend, dans ces recherches, l’amour du paysage, développé et exalté par l’habitude et la facilité des voyages en climats divers, et, avec l’amour du paysage, la curiosité des complications lumineuses, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur des habitations ; ce sont des faits signalés depuis longtemps déjà et dont nous essayons, chaque année, de faire suivre les progrès et d’apprécier les résultats. Ce qu’il importe surtout de constater, à la louange de notre jeune école, c’est que, parmi les nouveaux arrivés, un certain nombre commencent à se rendre compte que toutes ces recherches et toutes ces études des phénomènes atmosphériques et lumineux ne seront vraiment utiles et fécondes que si elles s’appuient sur des études préliminaires et sérieuses de la forme. C’est toujours là, en effet, qu’il en faut revenir : bien établir et bien constituer le fond avant de le vêtir d’apparences. Les exemples des vieux maîtres qu’ils semblent aimer leur prodiguent, à ce sujet, les mêmes conseils que l’observation et le raisonnement. Il se peut que cette double préoccupation donne lieu à des tentatives singulières, à des efforts laborieux, à des tâtonnemens pénibles, mais tous les enfantemens d’un art nouveau ne sont-ils pas douloureux ?

Parmi ces artistes inquiets et chercheurs nous trouvons, en première ligne (et c’est à son honneur ! ) M. Dagnan-Bouveret. Après ses nombreux et légitimes succès, il semblait permis à M. Dagnan de taire comme tant d’autres, de se répéter indéfiniment, de s’en tenir, comme technique, à celle de ses manières qui avait le plus réussi, à celle du Pardon, par exemple. Mais M. Dagnan, de toute évidence, est un artiste curieux et réfléchi, qui regarde beaucoup, analyse passionnément, veut sans cesse se compléter et s’améliorer ; il appartient à cette race distinguée d’artistes, rarement satisfaits d’eux-mêmes, qui nous a donné les Ricard, les Fromentin, les Baudry, les Delaunay. Ce qui se fait autour de lui l’attire et l’excite ; c’est ainsi que, dans son exposition actuelle, composée uniquement de portraits, nous pouvons surprendre l’application inattendue des procédés les plus divers empruntés aux écoles contemporaines les plus opposées. A tel endroit il procède par légères coulées de pâte, à tel autre par vigoureux empâtemens, tantôt comme Baudry, tantôt comme Delaunay ; ici, il procède par taches, et là, par hachures, plus loin par pointillé, ne dédaignant ni les procédés de M. Raffaelli, ni ceux de M. Renoir. Sa particularité, dans ce travail de vision, est de rester lui-même par sa netteté particulière d’observations et la conscience de son analyse. Son Étude de Breton, jeune gars aux longs cheveux, en veste et gilet verdâtre, à la physionomie naïve, sérieuse, pensive, est un morceau d’une rare distinction ; il en est de même de son Portrait