Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de jeune femme en robe rose et de son Portrait d’acteur (M. Coquelin cadet). La Sicilienne même, où l’artiste, pour exprimer le type fort et lourd du modèle, a peut-être trop appesanti sa touche, est une étude d’un grand caractère.

Les inquiétudes dont on retrouve la trace chez M. Dagnan sont plus visibles encore chez d’autres artistes studieux, la plupart encore en formation, tels que MM. Gœneutte, Marius Michel, Lobre, Friant, Muenier, Dinet, Armand Point, Girardot, Jarraud, Jeanniot, tous vivement attirés par les complications délicates et fines de la lumière, tous préoccupés aussi de joindre, à une analyse juste et nouvelle du milieu atmosphérique et coloré, l’analyse juste et consciencieuse de la forme et de la physionomie humaines. Le désir de rendre exactement les choses est même si vif chez quelques-uns qu’ils consultent, plus que de raison, les images photographiques et que leur peinture retient parfois, de cette lutte avec une reproduction mécanique, une sorte de sécheresse minutieuse. Cette froideur était déjà visible dans les premières œuvres de Bastien-Lepage, auquel presque tous se rattachent, mais ils tendent à l’exagérer. Quoi qu’il en soit, ce sont eux qui nous paraissent le mieux saisir les difficultés compliquées du problème posé et prendre les meilleurs moyens pour le résoudre. Les voyages de M. Gœneutte lui ont à la fois ouvert les yeux et inquiété l’esprit. Si l’on retrouve dans son petit Portrait du docteur Gachet l’âpreté incisive et la vigueur colorée, avec leurs procédés même, des vieux Allemands, Dürer et Cranach, on devine, dans sa Femme aux chardons bleus et dans sa Conversation d’artistes au Louvre, une admiration profonde et raisonnée pour les quattrocentistes italiens, Botticelli et Grivelli notamment, admiration qu’il complète par une étude de ses confrères impressionnistes. M. Marius-Michel, très observateur également, travaille surtout sous l’influence des Hollandais francs et colorés, anciens ou modernes, Pieter de Hooch ou M. Bisshop, et des Munichois qui en dérivent, tels que M. Kuehl. Durant ses voyages, il a acquis de la vigueur et de la sûreté. Sa Fabrique de fromage, en Hollande, son Petit constructeur de bateaux, son Scherzo (un petit joueur d’accordéon) sont des études intéressantes à la fois par les types et par le décor, d’une coloration franche, gaie, hardie, solide. M. Michel, comme la plupart des peintres du même groupe, comme les vieux Hollandais, réussit d’ailleurs beaucoup mieux les petits tableaux que les grands. M. Lobre fait aussi de jolies études d’intérieurs, dans une note bourgeoise et intime assez particulière. Sa Bibliothèque où, sur un fond de rideaux bleu clair protégeant les rangées de livres, blanchit doucement, près d’une fenêtre, la silhouette d’une jeune fille en train