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général en chef de l’armée de la Sarre ; or, la crise venue, c’était pour commander un simple corps, le 3e, qu’on venait de lui faire quitter le commandement de la garde impériale ! Il est vrai que les 2e et 4e corps étaient mis provisoirement sous ses ordres ; mais enfin il n’était qu’un subordonné ; il y avait au-dessus de lui l’empereur, et sous le nom de l’empereur, le major-général. Le témoin qui nous renseigne est un bon observateur. « Je remarquai particulièrement, nous dit le général Jarras, l’attitude froide et réservée du maréchal Bazaine. Il fut très bref dans ce qu’il avait à dire et s’abstint d’exprimer une opinion sur ce qu’il convenait de faire ; je ne sais s’il avait un plan d’opération tout prêt, mais il n’en laissa rien paraître. Il me sembla d’ailleurs qu’il était bien aise qu’on n’ignorât pas qu’il n’était nullement satisfait. » Même attitude, boudeuse et mécontente, dans la conférence tenue, par ordre de l’empereur, le 31 juillet, à Forbach, entre le maréchal Bazaine, le général Frossard, commandant du 2e corps, le général de Failly, commandant du 5e, le général Lebrun, les généraux Soleille, de l’artillerie, et Coffinières, du génie. Il s’agissait de s’entendre et de se concerter pour l’attaque de Sarrebrück. Le maréchal, qui devait avoir la direction générale de l’affaire, affecta de n’y prendre qu’un médiocre intérêt, et quand vint l’exécution, le 2 août, il en laissa tout le soin au général Frossard. Était-ce pour lui être agréable ? On vit bien, quatre jours après, tout le contraire, quand, le 6, à Forbach, le 2e corps, attaqué dès le matin par des forces qui ne cessèrent pas de grossir, attendit vainement le concours et le secours que lui devaient les divisions du 3e corps, placées à sa droite et à sa gauche, et qu’elles lui auraient certainement apportés si le maréchal Bazaine s’était hâté de leur dépêcher ses ordres ; quand elles les reçurent, il était trop tard ; le 2e corps, abandonné à lui-même, écrasé, mutilé, avait évacué Forbach ; il ne restait plus qu’à couvrir sa retraite.

Ce ne fut pas seulement la retraite du 2e corps ; dès le lendemain, toute l’armée se replia sur Metz. Selon l’intention de l’empereur, ce n’était qu’une première étape ; il voulait par Verdun redescendre jusqu’à Châlons et y attendre le maréchal de Mac-Mahon qui ramenait d’Alsace les 1er, 5e et 7e corps ; mais de Paris, l’impératrice et le ministère blâmaient ce mouvement rétrograde. Les télégrammes volaient, se croisaient, se heurtaient ; de là des retards, des lenteurs, des indécisions, ou plutôt des décisions contradictoires. Le 6e corps, commandé par le maréchal Canrobert, et qui devait former d’abord la réserve générale de l’armée, avait été laissé au camp de Châlons ; appelé en toute hâte à Metz, le 7 août, il avait déjà sa tête de colonne à Nancy quand il reçut l’ordre de