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et militaire. On créa les bataillons scolaires. C’était une erreur déplorable. Apprendre à l’enfant à « faire l’exercice, » ce n’est nullement développer en lui les qualités physiques qui doivent le rendre apte à la guerre. Tous les hommes spéciaux s’accordent à le reconnaître, l’instruction militaire proprement dite est affaire de très peu de temps, quand l’homme est bien portant, souple, agile et résistant à la fatigue. On revient heureusement de ces erreurs, et si nos sociétés de gymnastique se laissent aller à déployer encore parfois un appareil militaire un peu enfantin, on peut leur pardonner ce léger travers si français, au fond, de « jouer aux soldats, » en considération des immenses services qu’elles ont rendus.

C’est assurément l’idée patriotique qui a fait reconnaître dans la masse du public l’utilité des sociétés de gymnastique et qui a, par conséquent, favorisé le développement de ces sociétés. Mais cette idée ne s’imposait pas d’une manière assez pressante quand il s’agissait de jeunes garçons de douze à quinze ans encore très éloignés de l’époque où leurs aptitudes physiques pourraient être utilisées par la patrie, et du reste les préoccupations patriotiques, on ne peut s’empêcher de le constater, ne dominent les préoccupations individuelles que dans les momens de crise et de danger public. L’intérêt personnel est forcément, dans les temps calmes, le mobile le plus puissant des individus et des familles.

L’utilité de l’éducation physique n’a été réellement comprise du public que depuis le moment où l’on a nettement mis en lumière l’importance de l’exercice du corps pour la conservation de la santé. La question a fait brusquement un pas immense le jour où elle a été portée sur son véritable terrain, je veux dire à l’Académie de médecine. Voilà déjà cinq ans que, sur la demande formelle du ministère de l’instruction publique, l’Académie a chargé une commission prise dans son sein d’étudier au point de vue hygiénique les conditions faites à nos enfans par nos programmes et nos règlemens scolaires et a formulé une sorte de consultation concluant à la « nécessité impérieuse de diminuer le temps des études et des classes, d’augmenter la durée des récréations, et de soumettre tous les élèves à des exercices quotidiens d’entraînement physique. » La discussion qui a précédé les conclusions de l’Académie a fait ressortir nettement les dangers du travail cérébral excessif et de la vie trop sédentaire, et montré qu’il serait urgent de consacrer aux exercices physiques une partie du temps attribué au travail intellectuel. L’exercice du corps était signalé comme un remède capable d’obvier à des dangers sérieux, et la réforme demandée acquérait ainsi le caractère d’urgence que revêtent les prescriptions médicales.

La question de l’éducation physique a donc été posée par