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consacré à la psychologie des animaux, à celle des âges, des sexes et des professions. Tout ce que l’on peut dire, c’est que depuis Jouffroy, et peut-être sous l’impulsion même des objections exagérées d’Auguste Comte, la psychologie objective a fait beaucoup de progrès : mais c’est le propre de toutes les sciences.

Pour en revenir à ce qui concerne les facultés animales, on peut dire que ce sont encore les psychologues ou philosophes qui, avant ces derniers temps, avaient le plus travaillé sur ce sujet. Ainsi, sans parler de Bossuet, qui a écrit un chapitre substantiel sur la question dans la Connaissance de Dieu et de soi-même, nous venons de nommer Dugald-Stevart qui a laissé des pages très fines sur les facultés des animaux comparées à celles de l’homme. Avant lui, Condillac écrivait son Traité des animaux. En Allemagne, Reimarus, disciple de Leibniz et maître de Kant, publiait un des ouvrages les plus riches en observations de ce genre, intitulé : Considérations sur l’instinct des animaux. Plus anciennement, Montaigne, dans un esprit sceptique et un peu par jeu, faisait aux animaux une large part dans son célèbre chapitre, intitulé Apologie de Raymond de Sébonde. La philosophie n’a donc jamais interdit l’étude mentale des animaux et la psychologie de Jouffroy n’est nullement tenue de l’interdire.

Ce qui explique du reste la rareté des travaux des psychologues sur cette question, c’est que le sujet d’observation leur manque et qu’ils ne peuvent avoir de ménagerie dans leur cabinet ; ils ne peuvent donc avoir là-dessus que des idées vagues. Ce serait plutôt aux naturalistes qu’il faudrait reprocher d’avoir négligé ce côté de la science. Ils ont, en effet, des animaux à leur disposition, et ils en ont très peu tiré parti. Le meilleur ouvrage qui ait été écrit sur ce sujet est la Lettre sur les animaux de Ch. Leroy, qui n’était ni un philosophe, ni un naturaliste, mais un simple capitaine des chasses, et la méthode de Leroy n’est pas autre chose que celle que nous indiquions plus haut, à savoir une méthode psychologique indirecte, qui conclut à la similitude des causes par la similitude des effets. En effet, il montre que les animaux sont susceptibles de faire des expériences comme les hommes, en comparant les actions animales et les actions humaines ; et ces actions humaines elles-mêmes, nous ne les comprenons que par analogie avec ce qui se passe en nous-mêmes.

D’ailleurs, ici encore, dans cette question, nous n’avons rien de mieux à faire que d’invoquer le témoignage d’Auguste Comte lui-même et d’appliquer à la psychologie ce qu’il dit de la physiologie. Il distingue avec Bichat les fonctions organiques des fonctions animales (ou vie de relation). Or, pour ces dernières fonctions, dans