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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/445

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il s’agit d’une corrélation et non d’une explication. Par exemple, une des plus belles découvertes de l’anatomie moderne est d’avoir distingué dans le cerveau quatre sièges différens du langage, à savoir le siège de la parole écrite, de la parole lue, de la parole entendue et de la parole parlée. Soit ; nous expliquons ainsi les anomalies du langage, par exemple, comment on peut perdre le sens de la lecture, et non celui de l’écriture, etc. Mais le vrai problème de la psychologie est plus général et d’un tout autre ordre. Il peut s’énoncer ainsi : comment apprenons-nous à parler ? Or, ici, que nous sert la topographie précédente ? On aura beau nous dire que pour apprendre à parler nous exerçons la troisième circonvolution frontale gauche, cela ne nous expliquera absolument rien, et ne nous apprendra que ce que nous savons, à savoir que nous apprenons à parler. De même que nous voyons que pour apprendre à marcher il faut exercer ses jambes, nous concluons d’avance, par analogie, que pour parler il faut exercer son cerveau. Mais ici l’opération est beaucoup plus délicate, et le schème d’un cerveau dont les cellules vibrent ne nous est d’aucun secours. C’est donc à la psychologie subjective qu’il faut avoir recours.

Il est très vrai que la psychologie normale a beaucoup à apprendre au contact de la psychologie physiologique. Celle-ci lui fournit des moyens d’analyse soit par la pathologie qui est une sorte d’expérimentation naturelle, soit par l’expérimentation artificielle qui est possible dans certains cas ; mais il n’est pas moins vrai que la psychologie physiologique a besoin du concours de la psychologie subjective. Par exemple, il serait impossible de démêler et d’analyser les faits confus dont se compose la vie inférieure de l’âme, si ce n’était à la lumière des analyses faites dans la psychologie supérieure. Ainsi, lorsque l’un des créateurs de la psycho-physique, Wundt, nous dit que les sensations sont des raisonnemens, il explique les modes inférieurs de l’esprit par des modes plus élevés. On ne saurait rien comprendre aux modes morbides de la conscience si l’on ne partait de la conscience normale. Nous l’avons dit déjà, c’est par comparaison avec l’unité de conscience constatée dans l’état normal que l’on est frappé des faits de multiplicité de conscience que l’on étudie aujourd’hui. De même l’automatisme des aliénés ou des somnambules ne se comprend bien que par antithèse avec la volonté ; et ce qui peut rester de spontanéité dans ces cas obscurs n’est aperçu que par analogie avec la spontanéité véritable : Ainsi, c’est toujours la psychologie subjective qui serti de lumière à la psychologie objective.

Non-seulement la psychologie n’a pas toujours besoin d’emprunter ses explications à la physiologie ; mais, dans certains cas,