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REVUE MUSICALE



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Théâtre de l’Opéra-Comique, les Troyens de Berlioz.


Voici comment s’exprime, en son volume sur l’Œuvre dramatique d’Hector Berlioz, un fervent admirateur du maître, M. Alfred Ernst : « Les Troyens sont réellement une forme nouvelle de l’opéra français. Si on les compare aux œuvres qui leur sont contemporaines, il est impossible de ne pas sentir la différence des conceptions et des procédés. Sans doute, certaines règles traditionnelles de l’opéra y sont encore respectées ; mais à tout moment l’ancien croule, craque et se disloque ; la convention vieillie fait place à la vivant liberté de l’action ; le drame lyrique apparaît, simple, logique, lumineux… Au moment où Berlioz écrivait les Troyens, il est en avance sur tous les musiciens français, sur les Allemands eux-mêmes, un seul excepté : Richard Wagner. »

Pour avoir une idée à peu près juste de l’œuvre de Berlioz, il suffit de prendre le contre-pied de cette appréciation. Non, les Troyens ne sont en aucune manière une forme nouvelle de l’opéra ; ils ne disloquent et n’abolissent rien. L’esthétique wagnérienne n’a rien à voir ni dans ce livret, ni dans cette partition, et le Faust de M. Gounod, par exemple, de quatre ou cinq ans antérieur aux Troyens, marquerait peut-être une évolution plus notable dans l’histoire de notre musique, un écart plus sensible du style et de la tradition classique, où les Troyens ne font que revenir. Retour glorieux, mais retour, n’en déplaise aux