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Comment est-il possible que la soumission et la dégradation des grandes puissances ne les éclairent pas ? » Le cardinal aimerait mieux apparemment que l’exemple de cette dégradation gagnât aussi la cour pontificale. Si l’empereur, ce que j’ignore, avait chargé Fouché de lui rendre compte de la correspondance privée de Maury, il dût être pleinement satisfait. L’enlèvement du pape au palais du Quirinal ne trouble pas les sentimens de ce courtisan passionné. Rien ne le fait dévier de la nouvelle ligne de conduite qu’il s’est tracée. Arrive l’affaire du divorce. Son influence s’exerce dans le comité des affaires ecclésiastiques dans le sens des vues de l’empereur. Et il lui semble tout naturel que le mariage religieux contracté par Napoléon et Joséphine, la veille du sacre, soit entaché de nullité par défaut de consentement de l’époux. Après l’excommunication de l’empereur, lors du conflit relatif à l’institution canonique, il eut le mérite de découvrir, dans l’histoire des rapports de l’Église et de l’État sous Louis XIV, un moyen d’éluder l’intervention pontificale. Ce moyen consistait à faire désigner par le chapitre, comme administrateur, l’évêque nommé par le pouvoir civil, mais non agréé par le pape. L’expédient fut étudié par M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, et approuvé par l’empereur. Celui-ci ne pouvait obtenir du pape l’institution canonique pour pourvoir aux sièges épiscopaux vacans en France et en Italie, notamment à celui de Paris, dont le titulaire était mort en 1808. Il avait désigné comme archevêque de Paris son propre oncle, le cardinal Fesch, qui n’était déjà rien de moins que grand-aumônier de sa majesté, archevêque de Lyon, primat des Gaules, et coadjuteur avec succession future du prince primat de la confédération du Rhin. En ce temps-là, le cumul n’étonnait pas trop. Le chapitre métropolitain de Paris, pour complaire à l’empereur, désigna Fesch comme administrateur du diocèse. L’oncle de l’empereur ne voulut pas assumer cette administration. C’était un bon prêtre. Il avait eu pendant la révolution, comme bien d’autres, une période de trouble moral. Après une incursion de quelques années dans la vie laïque, il était rentré dans sa voie. Comblé, par son neveu, d’honneurs et de titres, comte de l’empire, altesse sérénissime, pourvu de revenus énormes, il menait une existence princière : mais il n’entendait pas manquer à ses devoirs envers le chef de l’Église. Son biographe[1] raconte que l’empereur, irrité de son abstention, le manda un jour aux Tuileries et le pressa d’accepter. Fesch se défendit avec vigueur ; l’entretien devint de plus en plus vif. L’oncle lut inébranlable dans son refus.

  1. L’abbé Lyonnet, mort archevêque d’Albi.