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dépôt qui, depuis le XIIe siècle à Venise, depuis le XIVe à Barcelone, le XVe à Gênes, le XVIIe à Amsterdam, Hambourg, Rotterdam et Stockholm, jusqu’à la banque de circulation fondée à Londres en 1694, ont rendu, quoique traitées assez dédaigneusement par les écrivains modernes, d’inappréciables services en leur temps. Les récépissés délivrés aux dépositaires de fonds, à Venise, sous le nom de « parties de banco, » remplissaient dans le commerce le rôle de vrais billets de banque. Le crédit de cette monnaie fiduciaire était même assez bien établi pour que l’établissement ait pu, en 1690 et 1717, fermer la caisse du comptant, et décréter durant plusieurs années le cours forcé de ses billets, sans que le banco fit faillite, et sans que le change montât à plus de 10 ou 15 pour 100 ; taux qui fut de beaucoup dépassé pour les billets de la Banque d’Angleterre, lors des guerres du premier empire, pendant la suspension de leur remboursement en espèces.

Loin de livrer, comme de nos jours, au contrôle hebdomadaire de la publicité, leur bilan étalé à tous les regards, ces établissemens d’autrefois s’enveloppent de mystère. Par ce procédé qui donnait libre cours à des appréciations exagérées, leurs encaisses apparaissaient au public comme des puits sans fonds. On suppose, écrivait en 1721 un négociant estimé, que le numéraire de la banque d’Amsterdam « est de 3,000 tonnes d’or qui, évaluées à 100,000 florins la tonne, feraient un produit presque incroyable… » Incroyable en effet, puisqu’il eut atteint plus de 1,800 millions de francs actuels. A Hambourg, les teneurs de livres faisaient serment de ne point révéler les chiffres des dépôts entrant ou sortant ; grâce à leur silence inviolable, la situation de la banque demeurait ignorée.


III

Hambourg joignait à ses autres attributions celle du prêt sur gages, qui se faisait en Allemagne et dans les Pays-Bas, dès les premières années du XVIIe siècle, d’une façon beaucoup moins onéreuse et plus régulière que chez nous. Marie de Médicis, retirée à Cologne où elle mourut à peu près dans la misère (1642), avait mis ses pierreries au mont-de-piété de cette ville ; et notre gouvernement, pour empêcher la vente de ces bijoux, s’empressa de payer les intérêts de la somme avancée à la reine. Aux états-généraux de 1614, la noblesse avait proposé l’établissement de monts-de-piété, « à l’instar de l’Italie, de l’Espagne et de la Flandre, » qui eussent prêté non-seulement sur les objets mobiliers, mais aussi sur les terres, comme notre Crédit foncier actuel. Il fut fait à