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comme à une proie, et le rongent avec l’assistance de leurs païens, de leurs amis, de leurs maîtresses, — leurs inclinations, dit Tallemant, — qui tous et toutes font, grâce à eux, « quelques petites affaires. »

De là venait ce vieux proverbe, qui roulait entre le vulgaire, que « l’argent du roi est sujet à la pince ; » de là cette ressemblance, constatée par un prélat, entre les séraphins entourant, dans l’Ancien-Testament, l’arche d’alliance, elles financiers de son temps « qui, comme eux, avaient chacun quatre ailes : deux dont ils se servaient pour voler, et les deux autres pour se couvrir. »

C’est la situation de tous les pays où le crédit de l’État est mal établi encore ; cette situation s’améliora par la suite, mais combien lentement ! Avec quels arrêts et quels reculs temporaires jusqu’à la révolution ! L’histoire des finances publiques les fait voir dans une infériorité constante vis-à-vis des finances particulières. La seule banque gouvernementale fondée, sous l’ancien régime, avec des chances de durée, — celle de Law ne pouvant être regardée que comme une aventure, — je veux parler de la Caisse d’escompte, eut plus à lutter pour vivre, de 1776 à 1792, contre les ingérences du ministère, qui finalement la ruina, que contre les préjugés de l’opinion envers une institution nouvelle.

Quant au crédit individuelles progrès suivirent, en France, Une marche correspondante à la liberté dont il lui fut permis de jouir. Laffémas parlait, en 1604, des remèdes à trouver u contre les frauduleuses banqueroutes qui se font si communément aujourd’hui ; » les peines physiques ou morales que l’on réservait au failli ou au banqueroutier (car, à cette époque, banqueroute, faillite ou cession de biens, étaient encore une seule et même chose et la procédure ne les distinguait pas), ces peines, qu’il s’agisse des galères ou simplement du port d’un bonnet vert, obligatoire pour eux, n’avaient pas une action plus efficace que la mise en branle, à la bourse de Hambourg, de la cloche dite d’infamie, qui ne sonnait que pour annoncer la déconfiture d’un négociant. Au XVIIe siècle, avant l’ordonnance de 1673, aussi bien qu’au XIVe ou au XVe siècle, le banquier qui déposait son bilan prenait immédiatement la fuite, et laissait la liquidation se faire dans des conditions bien moins favorables que de nos jours. En adoucissant en 1673, puis en 1781, la rigueur des lois contre les faillis, on les rendit moins insolvables.

Il est seulement à regretter que les souverains, et à leur exemple les tribunaux, aient cru pouvoir si longtemps conserver le droit abusif de rompre les contrats privés, ou du moins d’en suspendre l’effet, par les « lettres d’État » ou « arrêts de surséance, » qui