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Tel est ce plan, conçu et imaginé à la hâte par les économistes effrayés dont l’éclectisme de naguère a fait place à une sorte de particularisme national. Il paraît simple et pratique avec l’avantage de pouvoir, presque sur l’heure, être mis à exécution. Certes, l’action législative est plus lente. Elle chemine pede claudo. La route qu’elle parcourt est semée d’obstacles qui la retardent, l’empêchent parfois de toucher au but. Est-ce à dire que dans une affaire de cette importance, il faille faire fi de l’État et écarter comme un support inutile la main qu’il tendrait aux réformateurs ? Non, non ; dans l’affolement où l’on est de cette invasion grandissante et des maux qu’elle traîne avec elle, loin de tourner le dos au gouvernement ou aux chambres, on les appelle, on les invite à venir au secours de l’initiative individuelle. Voilà bien le trait caractéristique, voilà la méthode nouvelle qui marquera dans l’histoire sociale d’un pays plus confiant dans le jeu de ses forces que soucieux de réclamer des lisières. D’abord que l’administration veuille bien publier des statistiques ! On connaît le péril, mais on ne serait pas fâché d’en mesurer exactement l’étendue. Actuellement, il n’existe pas d’autre moyen d’arriver à un dénombrement des étrangers, que de s’en rapporter aux chiffres des recensemens décennaux, encore les renseignemens qu’ils fournissent sont-ils, à ce qu’il semble, inexacts. A la différence de la plupart des nations, on n’a institué en Angleterre ni le système du passeport, ni l’obligation de se présenter à la police pour y déclarer son nom, son lieu d’origine ou sa profession ; donc, aucune possibilité de connaître, d’un simple coup d’œil, au bas d’une page, à combien d’immigrés les ports de la côte ont livré passage. Il y a bien une loi, datant du règne de Guillaume IV, mais dont les dispositions ont été longtemps négligées. Aux termes de cet acte législatif, caduc ou peu s’en faut, tout capitaine de navire en provenance de l’étranger, doit remettre à la douane la liste des passagers qu’il amène, avec la désignation de leur position sociale ou du métier qu’ils exercent. Ces prescriptions n’ont guère été observées. L’autorité s’est trouvée impuissante à satisfaire la curiosité du public ; elle a dû confesser qu’elle ne possédait que des rapports incomplets, sans précision, dépourvus, par conséquent, de toute valeur. Il a fallu que les communes s’en mêlassent. Sir Michael Hicks-Beach, interrogé à la chambre, en juillet dernier, s’engageait à adresser à ses agens des instructions rigoureuses ; en même temps, les consuls britanniques recevaient l’ordre de transmettre au Foreign office un état périodique du départ, à destination du royaume-uni, des indigens des deux mondes.

Admettons que les tableaux publiés à la fin de l’année dernière