reculant devant aucune initiative hardie ou ingénieuse, et ne prenant à sa charge que ce qui doit lui incomber. Dans la plupart des grandes villes américaines il existe une association qui s’intitule Association chrétienne des jeunes femmes, et qui se propose de prêter assistance aux jeunes ouvrières. La forme la plus ordinaire de cette assistance est la création de pensions (boarding houses) pour les jeunes filles, où elles trouvent, moyennant un prix assez modique, le vivre et le couvert. Peut-être, comme dans tous pays, faut-il davantage à la jeune ouvrière américaine, mais c’est déjà quelque chose que de lui procurer à bon marché ces deux nécessités de la vie quotidienne. Pour y parvenir, plusieurs combinaisons différentes sont mises en œuvre. Dans certaines villes, l’existence de ces pensions n’est qu’une simple application du principe de l’association. Les jeunes filles qui fréquentent la pension paient un prix assez élevé pour couvrir toutes les dépenses de la maison, et l’économie ne résulte pour elles que de la diminution des frais généraux résultant de la vie en commun. La charité n’intervient ici que pour prendre l’initiative de l’œuvre et pour en conserver la direction morale. Dans d’autres villes son rôle est plus actif. Les pensions dont je parle sont principalement destinées aux ouvrières dont le salaire est insuffisant, et on ne leur demande qu’une faible contribution pour leur nourriture et leur logement, la charité faisant face au surplus des dépenses. Quel que soit le principe d’après lequel ces maisons sont fondées, leur aspect et leur règlement intérieur sont à peu près les mêmes : « Rue tranquille et respectable ; antichambre et escaliers bien balayés ; bibliothèque bien fournie et bien éclairée ; chambres à coucher propres et maintenues à une température convenable ; nourriture préparée avec soin ; salon pour la conversation ou les jeux ; jeunes gens autorisés à venir presque tous les soirs. » Tels sont, d’après le rapporteur de l’enquête, les avantages que les boarding houses offrent aux jeunes ouvrières. A tous ces attraits s’ajoute celui de conférences qui leur sont faites le soir sur des sujets variés. Quelques-unes de ces conférences portent sur des questions d’économie domestique : « Comment gagner de l’argent et comment le garder. » D’autres ont un objet purement moral : l’idéal d’une femme ; d’autres enfin ont un caractère mixte ; celle-ci, par exemple : Comment se procurer un mari : how to get a husband. Le conférencier ne se charge cependant pas de dire, comme pour l’argent : Comment le garder. Ajoutons que les exercices religieux tiennent une grande place dans la vie intérieure de ces maisons. Cependant on a soin de nous dire que l’assistance à ces exercices n’est jamais obligatoire, et que les pensions sont presque toujours unsectarian, c’est-à-dire que, même fondées ou entretenues par quelqu’une des sectes
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