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les pages de Pétrarque sur la Vie solitaire, il se délectera aux Poésies de Gongora, aux Dialogos de Amor, par Léon Abarbanel, ou même aux Baisers de Jean Second. Voici, en effet, rappelées comme au hasard du catalogue dressé par Rieuwerts, quelles étaient les œuvres littéraires que renfermait la bibliothèque de Spinoza : Virgilius, cum notis variorum, 1646, Amstel. ; Phrases Virgil. et Horat. ; Virgilius ; Poesias de Quevedo, 1661 ; Léon Abarbanel, Dialogos de amor ; Plautus, 1652 ; Ciceronis epistolœ ; Petrarcha, de Vita solitaria ; Todas las obras de de Gongora, Madrid, 1633 ; autre exemplaire ; Comedia famosa del Perez de Montalvan ; Petronius Arbiter cum comm., 1669, Amstel. ; Luciani Mortuorum dialogi ; Pinto Delgado Poema de la Regina Ester ; Homeri Ilias, grœce ; Bundii Epistolœ et orationes ; Martialis cum notis Farnabii ; Plinii secundi Epistolœ cum Panegyrico ; Ovidius, 3 vol. ; Ovidii metam., t. II ; Johannis Secundi opera, — Si nous mentionnons, encore deux ouvrages : Novellas exemplares de Savedra (l’auteur de Don Quichotte), et Voyage d’Espagne, 1666 (encore un titre français), nous aurons enfin clos cet autre et peut-être trop long inventaire des livres qui composaient la bibliothèque de Spinoza, ouvrages néanmoins qui appelleraient d’amples commentaires et seraient de nature à suggérer de si abondantes réflexions ! Aies considérer, on entre effectivement, en quelque sorte, dans l’intérieur de l’esprit de Spinoza, apparet domus intus.

Et, à vrai dire, s’il y a quelques volumes qu’on est un peu surpris de rencontrer dans cette bibliothèque, il y en a d’autres, en revanche, qu’on s’étonne de n’y point trouver. Comment se peut-il, par exemple, qu’aucun traité de Platon n’y figure, ni surtout aucun ouvrage de ce Jordano Bruno, dont les doctrines sur la cause, le principe et l’un (de la causa, principio et Uno) ; sur l’infini, l’univers et les mondes (de l’infinito, universo et Mondi), sont si voisines de celles que personnellement Spinoza a pris à tâche d’accréditer, et auxquelles il a même, plus d’une fois, fait de directes allusions ? C’est qu’en effet il serait téméraire ou plutôt déraisonnable de conclure que Spinoza ne connaissait d’autres ouvrages que ceux qu’il avait en sa possession. Il est très probable, au contraire, il est même certain que ses lectures et ses études s’étendaient beaucoup au-delà des livres qu’il avait réunis ; et qu’il a dû puiser comme à pleines mains dans d’autres bibliothèques que la sienne, ne fût-ce que dans celles de ses illustres amis. Les livres que nous venons de signaler n’en étaient pas moins, on n’en saurait douter, ses livres familiers et les plus usuels.

Que sont devenus ces volumes et quelle a été leur destinée ? Des disciples de Spinoza les ont-ils, en souvenir de leur maître, disputés à un public banal et préservés ainsi de la destruction ?