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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/892

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III. — KHIVA.

Vue du sommet des hautes portes des médressés[1], Khi va apparaît toute grise, avec ses murs bas en pisé, entourée d’une bande verte de jardins. La steppe l’enserre à l’ouest, tandis que, vers l’est, les jardins se continuent jusqu’à l’horizon. C’est une ville aux toits plats, aux maisons basses, d’un aspect triste, d’un gris sale. Quelques dômes aux tons éclatans de céramiques, deux tours rondes d’une vingtaine de mètres de hauteur, quelques portes de médressés garnies, elles aussi, de céramique, interrompent seuls la succession de ces toits gris, de ces terrasses basses et rappellent au voyageur qu’il est toujours en Orient.

La ville a deux enceintes concentriques : l’enceinte intérieure contenant le palais d’hiver du khan, le caravansérail et quelques médressés, l’extérieure où les maisons plus à l’aise s’épandent librement au milieu des jardins. La muraille intérieure est aujourd’hui presque détruite. L’extérieure n’est plus entretenue et l’on peut pénétrer dans la ville par les brèches des murs.

On compte, à Khiva, 4,000 demeures (15,000 âmes seulement environ). Dans l’intérieur de l’enceinte, le khan a des jardins et des palais, c’est là qu’il passe la plus grande partie de l’année. La population tend plutôt à décroître, car le commerce n’y est point actif et les routes de caravane ne la traversent point. Le séjour du khan et le titre de capitale y retiennent seulement une certaine population.

Le nom arabe de Khiva est Khivak. Jadis, avant de devenir la capitale du Kharezm, elle était une des cinq places fortes du pays. On dit que la date de la fondation de cette ville est fixée par la valeur des lettres qui composent son nom ; ce qui fait 621 de l’hégire ou 1224 de l’ère chrétienne. Khiva est une ville que les rapines et les brigandages de ses habitans rendirent la terreur des pays voisins ; elle avait alors une population plus dense. Mais ce passé plein de souvenirs de sang et de carnage n’a pas laissé ici de grandes ruines que l’on puisse admirer, ni grand monument qui vaille la peine d’être visité.

Descendons dans la rue et visitons la ville, et d’abord le bazar, centre de toute ville asiatique. Le grand bazar de Khiva se compose de quelques rues voûtées voulant imiter dans leur disposition quelques coins du bazar de Bokhara. Tandis que Bokhara compte un grand nombre de caravansérails où descendent les gens de chaque

  1. On nomme médressé une école religieuse musulmane.