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LES PHOSPHATES DANS L’AGRICULTURE.


animale des quantités énormes d’acide phosphorique qui restent actuellement à l’état inerte. De grands efforts tentés dans cette voie seront peut-être un jour couronnés de succès.

L’action des phosphates naturels sur la végétation est généralement minime ; la pulvérisation qu’on leur fait subir ne les amène pas à l’état de poudre assez impalpable pour que les racines et les agens dissolvans du sol puissent agir sur eux avec une grande efficacité. Aussi, sous cette forme, donnent-ils en général des résultats peu accentués, et nous n’hésiterions pas à leur préférer, dans la plupart des cas, les superphosphates, si leur prix minime n’engageait pas à les faire entrer dans la pratique agricole. Car, s’il est très important pour l’agriculteur de fournir à la terre de l’acide phosphorique sous la forme la plus assimilable, il doit s’attacher aussi à le donner sous la forme la moins coûteuse.

Nous devons envisager le cas où, en tenant compte de cette double exigence, nous avons intérêt à employer les phosphates naturels. Il est reconnu que les matières organiques ont sur les phosphates une action dissolvante. Chaque fois qu’on les met en présence de ces matières, on peut donc compter sur leur efficacité ; c’est dans les terres acides, tourbes, landes, terres de bruyères et de forêts, défrichemens de prairies, que nous voyons leur action se manifester énergiquement. Là, les débris des végétations antérieures, formant un terreau acide, agissent sur les phosphates naturels, les assimilent et les offrent ensuite à un état accessible aux racines des plantes.

On ne doit donc pas craindre d’employer les phosphates naturels, chaque fois qu’on se trouve en présence de terres comme celles dont nous venons de parler, et on peut les appliquer à haute dose, par la double considération de leur prix d’achat minime et de leur fixité dans le sol, cette dernière propriété permettant à une longue suite de récoltes de vivre sur une forte fumure phosphatée donnée au début de l’exploitation. Il n’est point exagéré de répandre pour chaque hectare 1,000 et même 2,000 kilogrammes de ces phosphates, qu’on enterre par un labour avant les semailles. Le prix de ces produits, réduits en poudre, varie de 3 à 4 francs les 100 kilogrammes, sur les lieux de production. L’unité, ou pour mieux dire le kilogramme d’acide phosphorique, revient ainsi à environ 0 fr. 15 à 0 fr. 20 ; les frais de transport à pied d’œuvre viennent en augmentation de ce prix.

Quoi qu’il en soit, le phosphatage à haute dose ne coûte guère plus de 40 à 50 francs par hectare pour une quantité de 1,000 kilogrammes, 80 à 100 francs pour une quantité de 2,000 kilogrammes. Pendant plusieurs années, la terre se trouve suffisam-