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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/940

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Nous avons le sentiment qu’il manque une note dans ce livre, sans doute par la volonté de l’auteur ; une note qui rendrait plus vraisemblable, avec un peu de romanesque, l’heureuse issue de tant d’aventures où une femme intervient toujours ; plus naturelles aussi ces longues lettres d’illustres amies, qui raccommodent sous la restauration la fortune politique du diplomate et veillent sur lui jusque dans l’autre hémisphère. Il y a des trous, dans cette histoire où tout le monde est angélique. Enfin, le portrait supplée à ce que le texte ne dit pas.

Pendant la Terreur, Hyde de Neuville partage ses opérations entre Paris et sa province. Là, il donne de la tablature à Fouché, commissaire à Nevers ; on le trouve parmi les instigateurs de la Petite-Vendée du Sancerrois, puis mêlé à ces réacteurs qui s’appelèrent les compagnons de Jésus. Une nuit, lui cinquième, il donne l’assaut à la prison de Villequiers, enlève à la barbe de la garnison un compagnon capturé par les bleus, et l’emporte en croupe à travers le pays, qui se croit envahi par un corps d’armée royaliste. Le 9 thermidor le rappelle à Paris, et l’on pense bien qu’il brille au premier rang de la jeunesse dorée, au club de Clichy, dans les bâtonnades de jacobins. Le 4 prairial, il rencontre dans la cour des Tuileries son proscripteur de Nevers, Fouché, qui l’aborde d’un ton fort radouci. Il devait le revoir plus sévère à quelques années de distance, ministre de la police impériale, et de nouveau plus doux dans le salon de la princesse de Vaudémont, puis dans ce cabinet de Louis XVIII où Vitrolles avait ménagé un portefeuille au régicide, malgré la vive opposition du baron Hyde. Elles mettent un reflet de fantastique dans la suite du récit, ces apparitions intermittentes du moine sanglant, toujours cauteleux sous ses incarnations successives, et qui revient de loin en loin se heurter à l’inflexible droiture de son vieil adversaire.

Le 13 vendémiaire, Hyde de Neuville lait ses premières armes contre l’autre ennemi auquel il n’échappera plus, le général Bonaparte. La colonne où il combat est écrasée sur le quai Voltaire. Dénoncé comme réacteur fougueux, un nouveau mandat d’amener est lancé contre lui. Cela ne l’empêche pas de prendre sa part des » divertissemens en honneur sous le Directoire, de composer et de faire jouer une comédie, Constance, ou l’Heureuse journée, dans le cercle d’amies qu’il retrouvera toujours liguées pour le préserver des suites de ses imprudences : Mmes de Vaux, de Montchenu, de Damas, de la Maisonfort. Entre deux conspirations, il a pris le temps de se marier avec Mlle Rouillé de Marigny, plus âgée que lui, et dont la tendresse maternelle ne fit jamais défaut à celui qu’elle appelait le Fils, dans le langage conventionnel des lettres