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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 112.djvu/948

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retourna dans le Nouveau-Monde pour y représenter son roi. L’intérêt faiblit dans cette partie des Mémoires, remplie par les correspondances qui apportent au diplomate un écho lointain de la politique française. Il renaît, et très vif, avec le retour du baron Hyde en Europe, à la fin de 1822. Son ambassade de Portugal, en 1824, lui fit voir la révolution du 30 avril à Lisbonne ; il y joua un rôle dramatique et périlleux qui convenait à son humeur, à la physionomie qu’il garde sur un portrait de cette époque. Le baron y est peint dans le goût du temps, vêtu d’un habit rutilant de crachats, une dépêche à la main, séparé par une draperie tumultueuse des flots de l’Océan, où la tempête secoue un navire. Ce n’est plus Chérubin ; c’est Almaviva ambassadeur chez Sa Majesté Très Fidèle.

A partir de 1825, Hyde de Neuville est établi à Paris, très mêlé à la haute politique sous la bannière de Chateaubriand, en mesure de nous fournir des renseignemens sur les affaires du royaume et des anecdotes piquantes sur la société. J’aime bien le compte-rendu de la première audience accordée par Louis XVIII à la comtesse du Cayla : « Jeune encore, très intimidée sous l’œil investigateur et profond du roi, la comtesse s’approchait du siège qui lui avait été désigné, sans s’apercevoir qu’un guéridon sur lequel quelques papiers se trouvaient était à sa portée ; elle le renversa par un faux mouvement, et les pages de se disperser sur le tapis du cabinet. L’infortunée solliciteuse se confond en excuses, tout en ramassant les feuillets épars ; elle cherche à les classer en lisant quelques phrases d’une voix émue, s’aperçoit de sa gaucherie, et, comme toujours en pareil cas, devient plus gauche encore. Le roi sourit ; elle lui tend le manuscrit, qu’il ne reprend pas. — « Continuez, madame, lui dit-il, le charme de votre voix s’ajoutera à celui de vous voir. » — La pauvre femme perd contenance, mais revient à elle en songeant que le plus simple est d’obéir. Elle lit un rapport dont elle comprend à peine la teneur et les termes. Enfin, le roi l’interrompt en lui disant : — « Merci, madame ! je voudrais avoir souvent une lectrice aussi intelligente et charmante que vous ; revenez me voir. » — Mme du Cayla revint chaque jour, apportant au vieux roi, comme dit l’auteur des Mémoires, « une amitié qui avait toutes les délicatesses de l’amour. »

En 1828, le ministère Martignac appela le baron Hyde au département de la marine. Il y fit très bonne figure ; les choses de la mer étaient familières à ce voyageur, et il abordait la politique générale avec un esprit assagi par les années, également éloigné des ultras et des brouillons libéraux. Il céda la place à M. de Polignac avec d’autant plus de chagrin que les visions du prince Jules