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de Cosaques s’y sont construit des demeures en pisé. Les ouvriers indigènes habitent sous des huttes de paille ou couchent en plein air sur la rive du fleuve.

Les Nomades de la plaine de Kouk sont des Kirghizes et des Karakalpaks ils hivernent soit dans les environs de Kouk, soit dans les forêts (toguaî), plus au sud.

Depuis que j’étais dans le delta, j’entendais parler des forêts, mais je n’en avais pas encore vu. Comme l’on m’affirma qu’il y en avait une au sud de la route allant à Koungrad, je fis un circuit pour la visiter.

Nous voici partis de Kouk à la pointe du jour ; pendant deux heures environ, on marche au trot des chevaux, toujours le pays plat avec, çà et là, de grands bas-fonds humides.

— Quand donc serons-nous en forêt ? dis-je.

— Nous y sommes ! reprit le djiguite.

Je dominais les fourrés et broussailles de la selle de mon cheval !

Des arbres au tronc fourchu, des tamaris aux longues branches flexibles garnis d’une fine dentelle rose, de grands roseaux élancés, et pour égayer le dessous un peu sombre, les fleurs rouges d’une légumineuse grimpante ou du fin sauvage. Ces fameux toguaï sont des forêts en miniature.

Pour les indigènes, une toguaï est tout endroit où les arbrisseaux et arbustes empêchent le libre passage du cavalier. Les plus grandes surfaces occupées par les forêts se trouvent sur les bords du Kouvan-Djerma et au nord-ouest de Nokouze. Les indigènes tirent de ces forêts les bâtons pour la tente, du bois pour la construction de leurs barques et pour les besoins domestiques[1]. Ils y recueillent à l’automne les tiges du fin sauvage à fleurs rouges nommé turka[2].

Nous continuons la route à travers la forêt ; mais, peu à peu, les

  1. L’utilisation des fientes sèches d’animaux pour le chauffage est pratiquée chez les nomades du delta.
  2. Le turka (apocynum venetum) ou fin à fleurs rouges, se rencontre à l’état sauvage dans les forêts du delta ; on le trouve aussi près de Koungrad et de Tchimbaï, poussant en touffes au milieu des fourrés. Les indigènes coupent les tiges à l’automne, les font rouir dans l’eau et préparent des cordes d’un aspect brut et jaunâtre. Des tentatives sérieuses pour la culture industrielle de cette plante ont été faites près de Pétro-Alexandrof, par MM. Tchernikof. Ayant recueilli des graines de turka, ils les semèrent dans une terre meuble et bien irriguée ; le semis réussit mal, et les quelques graines qui germèrent donnèrent des tiges matingres qui se desséchèrent. Ayant piqué des tiges, le résultat fut plus satisfaisant. Ces expériences n’ont pas fait sortir la question de la période d’essai. Les cordes préparées avec ce fin bien roui sont plus résistantes que celles du fin ordinaire et d’une belle teinte blanche. On a songé à l’introduire en Algérie,