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à demi inondés. De grands murs de forteresse se dressent devant nous, on les franchit par une porte.

— Nous sommes arrivés ! dit le guide.

Dans l’intérieur de ces murs, des traces de maisons sur un sol bossue, mais pas un être humain. La ville actuelle se dresse plus loin au bord de l’harik, qui n’est guère plus important que celui de Tchimbaï.


IX. — KOUNGRAD, RETOUR A KHIVA ET A TCHARDJOUI.

Koungrad s’élève au milieu de ruines d’anciennes forteresses s’étendant au nord et au sud. À en juger par le peu de place qu’occupent aujourd’hui les maisons actuelles dans l’immense enceinte des murs, il en faudrait conclure qu’elle était jadis beaucoup plus peuplée. Quoi qu’il en soit, tous ces vieux murs en briques séchées au soleil tous ces débris de rempart montrent quelle était l’importance de cette ville et qu’elle fut le théâtre de nombreux combats. Ce nom de Koungrad vient sans doute de la famille des Uzbegs-Koungrads qui forment encore aujourd’hui sa principale population. Les traditions qui se rapportent à la création de cette ville sont confuses.

Nous n’entreprendrons point de relater ici les annales de cette ville. Donnons seulement quelques détails qui nous familiariseront avec les faits et gestes de ces peuples.

Au commencement du XIXe siècle, Koungrad était indépendante ; Tioura-Soufi, de race uzbeg, gouvernait ce pays et avait pu résister aux attaques du khan de Khiva, qui s’efforçait de soumettre le pays pour le réunir à ses États. Vers la fin de sa vie, Tioura-Soufi devint aveugle, et un de ses officiers, Mendingua, le tua (1814) et envoya sa tête à Khiva. Koungrad fut alors réuni au khanat khivien, et l’administration en fut confiée à ce Mendingua, et, à sa mort, à son fils Kowetle-Mourad. Les descendans de Tioura-Soufi vivaient dans une grande pauvreté, et l’un d’eux, nommé Mohamed-Fan, dut se louer comme journalier à un habitant de Koungrad pour gagner sa vie. Kowetle-Mourad gouvernait sous la surveillance d’un fonctionnaire khivien, le capitaine (éçaoul-bachi) Mamet. Tous les deux étaient détestés par les Uzbegs de Koungrad aussi bien que par les Kirghizes et les Karakalpaks à cause de leur dureté et de leur avidité dans la perception de l’impôt, et c’était le sujet de nombreuses discordes qui s’élevaient entre Kowetle-Mourad et les habitans.

La nouvelle d’une ambassade russe, se rendant à Khiva (1858), poussa les mécontens à s’unir. Il s’agissait de tuer Kowetle-Mourad