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des lumières. Très effrayée, la population se précipita dans les églises, craignant quelque catastrophe, et, au bout de peu de temps, le ciel, qui avait la couleur d’un feu rouge, fit entendre le tonnerre, et de grosses gouttes de pluie rougeâtres tombèrent. En 1846, un phénomène analogue se produisit, et la pluie de sang tomba sur un espace considérable en Guyane, à New-York, aux Açores, en France.

En Chine, les pluies colorées par la poussière sont fréquentes ; les Chinois en distinguent deux sortes : la pluie jaune et la pluie noire, et ils pensent que ces poussières viennent des déserts de la Mongolie, du désert de Gobi en particulier. Du reste, les voyageurs qui ont parcouru l’Asie centrale ont souvent remarqué la formation de trombes de poussière qui sont violemment entraînées dans les airs pour retomber au bout d’un temps variable et à des distances souvent considérables, sous forme de pluies colorées, ou même de pluie sèche, de pluie de poussière sans adjonction d’eau. La composition même de ces poussières donne souvent le moyen de connaître exactement leur origine. Il en tombe parfois aux Açores et aux Canaries, et on serait tenté de leur attribuer une origine africaine et de penser qu’elles viennent du Sahara. Le raisonnement est juste dans certains cas : mais quand on trouve dans ces poussières des infusoires qui ne vivent que dans l’Amérique du Sud, comme Ta démontré Ehrenberg, il est difficile de ne pas admettre que ces poussières viennent des plaines de ce pays et des déserts qui s’y trouvent. La quantité de matières solides renfermées dans ces nuées est parfois très considérables : on a évalué le poids de la poussière tombée à Lyon, en 1846, à 7,200 quintaux.

Ces pluies de poussière sont toutefois chose exceptionnelle, et si elles témoignent de la présence d’un grand nombre de parcelles dans l’atmosphère à certains momens, elles ne prouvent point que celle-ci en renferme normalement et en tout temps une quantité considérable. Pour s’assurer de l’existence normale de cette poussière, il n’est pas besoin d’expériences ou d’observations bien difficiles. Entrez dans la chambre la mieux tenue, la plus soigneusement balayée, où nul n’aura pénétré depuis des mois, si vous voulez. Elle a été close tout ce temps, et pourtant, sur chaque meuble, il y a une couche appréciable de poussière qui s’est infiltrée par les fentes des portes ou fenêtres. Entr’ouvrez une de celles-ci, et dans le rayon de soleil, vous verrez danser des milliers de parcelles lumineuses, surtout si vous faites quelques pas dans la chambre pour agiter l’air. Abandonnez en quelque lieu que ce soit un récipient ouvert plein d’eau distillée : au bout d’un temps variable, vous y verrez un sédiment qui est dû au dépôt de la poussière.