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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/313

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l’objet principal que M. Ricard a en vue. Je voudrais donner une idée suffisamment nette de cette partie de sa proposition, et pour cela, rappeler dans quelles conditions très particulières cette juridiction a vécu et grandi jusqu’à ce jour.

Avant la loi du 3 mars 1849, les affaires litigieuses dont le conseil était saisi devaient toujours être portées devant l’assemblée générale. Sans doute le comité du contentieux les étudiait d’abord et préparait les décisions ; mais l’assemblée générale avait le dernier mot. Elle seule était en possession du droit de statuer ; car seule elle adoptait les projets d’ordonnance que l’approbation du souverain rendait ensuite exécutoires. Ainsi le comité et l’assemblée exerçaient de part et d’autre des attributions distinctes. Le comité instruisait les affaires, mais n’en réglait aucune : l’assemblée était le juge nécessaire et unique. Cette procédure traditionnelle fut, en 1849, remplacée par une organisation très différente. On enlevait à l’assemblée générale la juridiction pour la déléguer dans sa plénitude à la section, qui devenait le tribunal suprême.

Cette organisation dura peu, et, après le coup d’État, le décret du 25 janvier 1852 combina en une forme nouvelle les deux systèmes opposés. On ne rendit pas à l’assemblée générale du conseil d’État les pouvoirs de justice dont elle avait été dessaisie par la loi de 1849 ; on les partagea entre la section et une assemblée spéciale que l’on créait avec la mission exclusive de représenter le conseil statuant au contentieux. Cette assemblée, au lieu d’être, comme l’assemblée générale proprement dite, la réunion plénière du conseil tout entier, était composée seulement des membres de la section contentieuse, auxquels venaient s’adjoindre deux délégués de chacune des sections administratives. Elle fut désormais le juge ordinaire, mais non pas nécessaire, car la section conservait le pouvoir de décider dans les affaires où il n’y a pas d’avocats[1].

C’est ce troisième système, maintenu par la loi du 24 mai 1872 et en vigueur depuis quarante ans, que M. Ricard propose de simplifier. La section deviendrait le juge ordinaire. Comme jadis, sous l’empire de la loi de 1849, elle prononcerait en audience publique et définitivement sur les litiges, qu’il y eût ou non des avocats. Et

  1. L’assemblée générale du conseil d’État siège le jeudi en séance secrète. Elle délibère sur les projets de loi, les projets de règlemens d’administration publique et sur toutes les affaires que les sections administratives lui renvoient. Ses décisions n’ont jamais qu’une valeur consultative : simples avis donnés aux ministres, qui peuvent ne pas les suivre. — L’assemblée du contentieux tient, le vendredi, une audience publique. Les rapporteurs y lisent, sur chaque requête, un rapport écrit, et les avocats prennent, s’il y a lieu, la parole pour compléter les mémoires qu’ils ont présentés. Le ministère public (un des quatre maîtres des requêtes dénommés commissaires du gouvernement) conclut dans toutes les affaires.