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pas nommer La Fayette, et il parut même contrarié d’apprendre que son fils George assistait à la cérémonie.

Retiré à la campagne, le prisonnier d’Olmütz ne cherchait que l’occasion de servir ses anciens compagnons. Cette occasion se présenta bientôt : un arrêté des consuls du 11 ventôse an VIII (1er  mars 1800) avait décidé qu’on effacerait de la liste des émigrés ceux des membres de l’assemblée constituante qui présenteraient au ministre de la police des attestations constatant « qu’ils avaient voté pour l’établissement de l’égalité et pour la suppression de la noblesse. » La Fayette, après avoir rempli les formalités, écrivit à Fouché, en réclamant les mêmes avantages pour les officiers qui avaient signé avec lui, le 19 août 1792, la déclaration faite à Rochefort. Elle témoignait que les signataires, ne pouvant plus servir la liberté de leur pays et défendre sa constitution, demandaient, non comme militaires en activité, et moins encore comme émigrés, mais en qualité d’étrangers, un libre passage sur territoire neutre. La Fayette eut le bonheur de voir ses camarades rayés, en même temps que lui, de la liste de proscription.

Son fils George souhaitait passionnément d’entrer dans l’armée. Il fut proposé pour une sous-lieutenance : le premier consul le plaça dans un régiment de hussards dont Horace Sébastiani était colonel. Enfin La Fayette fut présenté à Bonaparte, aux Tuileries, en même temps que La Tour-Maubourg, par le consul Lebrun. « Je me rappelai, écrit La Fayette, le premier accueil que j’avais reçu autrefois du grand Frédéric. » — Après les complimens réciproques, Bonaparte, répondant aux félicitations sur les succès de l’armée d’Italie : « Les Autrichiens, dit-il, en veulent pourtant encore : c’est Moreau qui fera la paix. Je ne sais ce que diable vous leur avez fait, général La Fayette, ajouta-t-il avec grâce, en parlant des puissances, mais elles ont eu bien de la peine à vous lâcher. » — Et comme, à leurs remercîmens, La Fayette et Maubourg joignaient ceux de Bureaux de Puzy, alors aux États-Unis, avec Dupont de Nemours, dont il était le beau-fils : — « Il reviendra, dit Bonaparte, et Dupont de Nemours aussi ; on en revient toujours à l’eau de la Seine. »

Peu de temps après, comme La Fayette allait rendre visite à Talleyrand, il le vit sortir de son cabinet avec quelqu’un qui ressemblait au premier consul : c’était Joseph Bonaparte. Après quelques mots de politesse, il invita La Fayette à une fête qu’il donnait à Morfontaine, pour célébrer le traité d’amitié et de commerce, signé le 30 septembre 1800 avec les États-Unis. La Fayette rencontra les ministres américains, plusieurs généraux et toute la famille Bonaparte. Ce fut une bonne fortune pour lui, durant les deux jours que dura la fête, d’avoir plus d’une occasion de causer avec