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défendait les royaumes du midi contre les gens du nord, le Vivarais est une marche frontière, disputée entre deux natures, entre deux races d’hommes. Le haut pays, — « la terre d’Empire, » disaient naguère encore les bateliers du Rhône, — appartenait avant la révolution au diocèse de Vienne en Dauphiné. Cette partie du département de l’Ardèche est rattachée au centre de la France par ses cultures, ses mœurs, ses intérêts ; elle ne diffère guère du Forez, qui la relie aux régions lyonnaises. Malgré mes sentimens filiaux pour ce cher et pauvre sol, je suis contraint d’avouer que la nature ne lui a pas prodigué les richesses pittoresques dont elle fut si libérale envers le Bas-Vivarais. Ce dernier est séparé de l’autre par l’arête centrale du Coiron, qui dessine, du Mèzenc au Rhône, le faîte de ce toit de montagnes. Tout incliné vers la Provence, le Bas-Vivarais lui porte ses torrens, absorbés par le plus considérable d’entre eux, l’Ardèche. La Provence, avec tout ce qu’il y a d’extrême et de capiteux dans sa chaude nudité, commence brusquement au point où la rivière s’échappe des gorges montueuses et s’épand au large dans la plaine d’Aubenas.

La station thermale de Vais est située à ce point précis où deux natures se heurtent, au seuil des montagnes, à l’orée des vallées resserrées de l’Ardèche et de la Volane. Dès l’extrémité méridionale de la bourgade, sur le tournant d’une roule, l’ardente chan- son du Midi éclate dans le fourré luisant des chênes verts, dans les oliviers et les cyprès, moines gris, moines noirs, penchés sur les treilles joyeuses. À l’autre extrémité, les maisons s’étagent sous les châtaigniers qui tapissent les coteaux ; il ne faut guère s’élever pour atteindre des fermes encloses entre un verger de pommiers let une prairie où paissent des chèvres, suspendues sur les ravines des torrens. Il y a quelques centaines de pas entre cette Italie et cette Savoie. Selon que le vent souffle, il apporte de là-bas le Paume des lavandes et tous ces encens brûlans que la garigue distille au soleil, de là-haut le frais parfum des bruyères, des fougères. La petite ville est charmante, au fond de la gorge qui s’évase |sur le confluent des deux rivières, avec ses toits rouges noyés dans ces verdures sombres ou tendres, toute ruisselante d’eaux qui se précipitent, suintent aux parois des roches, jaillissent des vasques en fontaines intermittentes. La plupart de ces sources arrivent minéralisées du sous-sol volcanique ; les gens du pays en avaient reconnu l’efficacité depuis des siècles ; l’observation médicale y a découvert une gamme extrêmement étendue, adaptée au traitement de nombreuses affections. Un peu plus haut dans la vallée de l’Ardèche, les eaux chaudes de Neyrac étaient célèbres dès le XIIe siècle ; on y avait fondé une léproserie à l’époque des croisades.