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matière médicale ont été conservées pareillement par la pratique, qui n’a jamais cessé, dans des Réceptaires et autres traités latins : ces traités, traduits du grec, dès l’époque de l’empire romain, et compilés du ier au VIIe siècle de notre ère, ont passé de main en main et ont été recopiés fréquemment pendant les débuts du moyen âge. La transmission des arts militaires et celle des formules incendiaires, en particulier, ont été poursuivies également, depuis les Grecs et les Romains, à travers les âges barbares. Bref, la nécessité des applications a partout fait subsister une certaine tradition expérimentale des arts de la civilisation antique.


III.

Au moyen âge, les plus vieux traités techniques latins, relatifs à la chimie, que nous connaissions, sont les « Formules de teinture » (Compositiones ad tingenda), — nous en possédons un manuscrit écrit vers la fin du VIIIe siècle, — et la « Clé de la teinture » (Mappœ clavicula), dont le plus vieux manuscrit remonte au Xe siècle. Ces deux ouvrages nous ont transmis des procédés et des textes contemporains de la dernière période de l’empire romain. Cependant ils n’ont été jusqu’ici l’objet d’aucun commentaire. Leur connaissance a dû être fort répandue autrefois ; car nous en possédons plusieurs copies, et certaines de leurs recettes sont reproduites textuellement dans les manuscrits alchimiques latins de la Bibliothèque nationale de Paris. Ces collections de recettes forment donc une série ininterrompue, depuis les articles du papyrus grec de Leyde, écrit au IIIe siècle de notre ère et découvert dans les tombeaux de Thèbes au commencement du XIXe, jusqu’à ceux des traités latins, écrits au moyen âge, tels que les précédons, ceux du moine Éraclius « sur les arts et les couleurs des Romains, » et du moine Théophile, auteur du « Tableau de divers arts, » ainsi que les opuscules publiés par Mrs Merrifield : Ancient practice of painting, La suite de ces traités et opuscules se continue aux XVIe et XVIIe siècles, par les ouvrages de Secrets d’Alessio, de Mizaldi, de Porta et de Wecker, jusqu’aux traités de teinture, de verrerie et d’orfèvrerie du XVIIe siècle, et même jusqu’aux manuels Roret de notre temps.

Le plus ancien de ces traités, les Formules de teinture, a été rencontré dans un manuscrit de la bibliothèque du chapitre des chanoines de Lucques, écrit au temps de Charlemagne et renfermant divers autres ouvrages. Il a été publié au siècle dernier par Muratori, dans ses Antiquitates italicœ (t. II, p. 364-387, dissertatio XXIV), sous le titre : « Recettes pour teindre les mosaïques, les peaux et autres objets, pour dorer le fer, pour l’emploi des matières minérales,