Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

costumes japonais, pour exécuter un programme littéraire et musical américano-japonais des plus joyeux, que compléta un thé offert aux spectateurs enthousiastes par les Japs. Toujours à l’église méthodiste, la société des light-bearers (porteurs de flambeaux) joua dans l’après-midi une charade, Trouble in a mormon family (les difficultés d’une famille mormonne). Dans une autre église transformée en théâtre, fut représenté, à grand renfort de costumes, certain mariage syrien, où le prêtre officiant était un véritable clergyman vêtu à l’orientale !

Et à toutes les vitres des boutiques de Colorado-Springs s’étalait cette annonce étrange :

« Oysters ! Oysters ! Oysters in every style. Des huîtres dans tous les genres, à la première chapelle baptiste, lundi soir ! »

Une autre espèce d’amusement qui paraît fort incommode aux maîtres de maison européens, c’est la surprise-party. Un nombre parfois considérable de jeunes gens conviennent entre eux d’un jour pour aller surprendre des amis. Ils arrivent chargés de provisions et prennent le logis d’assaut ; il n’y a rien à faire que capituler et accueillir de son mieux l’invasion. Encore le mal n’est-il pas grand dans les villes, mais le propriétaire d’une ferme lointaine, d’un ranche, peut se trouver fort embarrassé si le mauvais temps s’oppose au départ de la bande joyeuse, et que le garde-manger fasse défaut. M. Aïdé cite le cas vraiment tragique d’une surprise-party, arrivée en chariot dans une maison de campagne californienne avec des provisions pour le souper du soir, et qui fut retenue trois jours par la neige. On dormait sur le plancher et on s’amusait quand même.

Les réceptions, commençant à trois heures de l’après-midi et continuant jusqu’à dix et onze heures du soir, sont très fréquentes dans les grands centres de l’ouest. M. Aïdé parle d’une cérémonie de ce genre, où la maîtresse du logis recevait en robe de bal avec tous ses diamans, des gens qui entraient et sortaient en négligé, quelques-uns gardant leurs ulsters et des caoutchoucs aux pieds, d’autres arrivant à neuf heures habillés à peu près pour le soir. Tout en haut de la maison, il y avait une salle de danse, vers laquelle s’envolaient les plus frivoles, tandis que la partie sérieuse de l’assemblée prenait du thé au rez-de-chaussée.

Il alla aussi voir danser dans un sous-sol ; mais, que ce soit à la cave ou au grenier, la gaîté de ces réunions est partout la même ; jeunes et vieux s’amusent franchement, et un Anglais, habitué à l’air de dédain ou d’ennui profond qu’affectent souvent ses compatriotes, ne peut qu’être frappé très favorablement de la différence. Différens, les Anglais et les Américains le sont en beaucoup de