semblables : — « Une jeune femme, écrit-il, nommée Baudouin, publie hautement qu’elle n’aimera jamais son mari et que chacun est libre de disposer de son cœur et de sa personne comme il lui plaît. Il n’y a point d’impertinences qu’elle ne dise contre son mari, qui est assez malheureux pour en être au désespoir. Je lui ai parlé deux fois et, quoique accoutumé depuis plusieurs années aux discours impudens et ridicules, je n’ai pu m’empêcher d’être surpris des raisonnemens dont cette femme appuie son système. Elle veut vivre et mourir dans cette religion, il faut avoir perdu l’esprit pour en suivre une autre, et plutôt que de demeurer avec son mari, elle se feroit huguenote ou religieuse. Sur le rapport de tant d’impertinences j’étois porté à la croire folle ; mais par malheur elle ne l’est pas assez pour être renfermée par la voie de l’autorité publique, elle n’a même que trop d’esprit, et j’espérois que, si elle avoit passé deux ou trois mois au Refuge, elle comprendroit que cette demeure est encore plus triste que la présence d’un mari que l’on n’aime pas. Au reste, celui-ci est d’une humeur si commode qu’il se passera d’être aimé, pourvu que sa femme veuille bien retourner chez lui et ne pas lui dire à tous momens qu’elle le hait plus que le diable. Mais la femme répond qu’elle ne sauroit mentir, que l’honneur d’une femme consiste à dire vrai, que le reste n’est qu’une chimère et qu’elle se tueroit sur l’heure si elle prévoyoit qu’elle dût jamais avoir pour son mari la moindre tendresse. »
Ces motifs d’incarcération se répètent avec uniformité : fantaisies extra-conjugales, dissipation des deniers de la communauté, mauvais traitemens, et souvent délits de droit commun passibles des tribunaux auxquels on veut soustraire les coupables. Un mari fait enfermer sa femme qui s’est éprise d’un trop vif amour du dieu Bacchus. Quand l’inconduite de la femme a pour témoins des enfans, surtout des filles d’un certain âge, la demande n’est jamais repoussée.
En 1722, Nicolas Cornille, bourgeois de Paris, rentrait dans ses foyers d’un long voyage au-delà des mers : il arrive joyeux, se présente à sa femme ; mais celle-ci le reçoit de la belle manière et l’appelle mauvais plaisant de vouloir se donner pour son mari ; bref, nonobstant l’insistance du bonhomme, elle refuse de le laisser rentrer non-seulement dans la jouissance de ses droits conjugaux, mais, ce que Cornille trouvait plus grave, dans la jouissance de sa fortune. Une lettre de cachet envoya cette épouse récalcitrante à la Salpêtrière.
L’un des époux en prison, l’autre conservait le pouvoir de régler son régime, de le faire transférer dans un autre lieu si ce dernier lui paraissait plus sûr. Le mari demeurait juge du moment où l’on