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présente un intérêt tout particulier. Il en résulterait en effet que le fléau s’atténuait rapidement dans les maisons reliées aux égouts publics ; qu’il gardait au contraire toute sa virulence dans celles qui ne pouvaient pas encore jouir de cet avantage. Les cas typhoïdiques étaient, en effet, cinq fois plus fréquens dans ces dernières que dans les autres.

Les révélations les plus démonstratives peut-être nous viennent d’Angleterre, où l’assainissement a été, depuis l’année 1875, l’objet de mesures générales s’étendant à tout le pays. Presque toutes les villes sont aujourd’hui pourvues du tout à l’égout et cette amélioration s’étend progressivement des villes aux bourgades, de celles-ci aux villages. Qu’est-il arrivé ? — Dans la période de 1861 à 1870, on constatait par 10,000 habitans, 225 décès, dont 9, à peu près, dus à la fièvre typhoïde et 34 aux autres maladies zymotiques. — Dans la période décennale de 1880 à 1889, la mortalité générale n’est plus que de 191[1], dont seulement 2 et demi au compte de la fièvre typhoïde et 22 à celui des autres affections zymotiques. Comme résultat final, la conséquence immédiatement apparente de l’assainissement est d’avoir, dans une période de dix années, conservé la vie à près d’un million de sujets de la couronne britannique. La chose en vaut la peine.

À Paris, au contraire, la mortalité générale se tient au taux élevé de 255. Les chiffres de la fièvre typhoïde ont été de 8 et de 7,5. Ils descendent quelquefois à 5,8. Mais ils se relèvent jusqu’à 9. C’est plus que partout ailleurs. Ces chiffres sont concluans[2]. Ils se présentent en trop grand nombre et avec une concordance trop persistante pour qu’on puisse suspecter la rigueur des inductions auxquelles ils conduisent.

Il est bien entendu, — je demande la permission de le faire remarquer, — qu’on ne doit pas attribuer au tout à l’égout le mérite exclusif des améliorations dont ces chiffres sont la preuve. Le tout à l’égout est, si l’on veut, la partie principale de l’assainissement.

  1. Il est peut-être intéressant de constater la progression décroissante de la mortalité à mesure que s’exécutaient les travaux d’assainissement. En voici le tableau :
    Années Mortalité par 10,000 habitans Années Mortalité par 10,000 habitans
    1880 205 1885 190
    1881 198 1886 193
    1882 196 1887 188
    1883 195 1888 178
    1884 195 1889 179
  2. Certaines grandes villes universitaires d’Allemagne sont, grâce à ce procédé, si bien préservées de la fièvre typhoïde, que, faute de cas, la clinique de cette affection a, pour ainsi dire, disparu de l’enseignement médical.