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guitare, et c’est au son d’un chant cadencé et mélancolique qu’il conduira, le lendemain, ses animaux vers les horizons lointains des Llanos. Il ne porte pour tout costume qu’une chemise de couleur et des pantalons allant jusqu’aux genoux, et se terminant par deux larges ailerons flottant sur les jambes. La chemise, très voyante, ouverte en cœur sur la poitrine, est cordée d’un chapelet de gros grains rouges destinés à fixer l’attention des bestiaux. Elle est ramenée autour de la taille par une large ceinture d’indienne également rouge. Les pieds sont nus et la tête est couverte d’un mouchoir de couleur, noué de façon que les bouts protègent la nuque contre les rayons du soleil. »

Cette population, d’ordre composite, est régie par une constitution, en partie calquée sur celle des États-Unis. Trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Le pouvoir législatif est composé de deux chambres : la chambre des députés et le sénat, qui, réunies, forment le congrès national. Les États, par un vote populaire, direct et public, nomment les députés, dans la proportion d’un député pour 35,000 habitans. Les législateurs des États nomment directement trois sénateurs pour chaque État. Les sénateurs, de même que les députés, restent quatre ans dans l’exercice de leurs fonctions. La représentation des deux chambres, ou le congrès, est composée de 52 députés et 24 sénateurs.

Le congrès, dans la première quinzaine de sa réunion, et ensuite tous les deux ans, nomme un sénateur et un député pour chacun des États ; ces élus forment le conseil fédéral, lequel choisit, parmi ses membres, le président de la république. Le chef du pouvoir exécutif et les membres du conseil fédéral exercent leurs fonctions pendant deux années ; ni l’un ni les autres ne peuvent être réélus pour la période suivante. Ils reprennent, dans le congrès, leurs sièges respectifs. Quant au président, il gouverne par ses ministres et sous le contrôle du conseil fédéral.

Il est difficile d’imaginer un mécanisme plus compliqué, plus propre à faire naître les conflits, moins apte à les résoudre. C’est dans ce mécanisme, qui emprunte à la constitution des États-Unis ses rouages essentiels, mais qui en fausse le jeu et en aggrave les clauses restrictives, c’est dans cette élection au troisième degré du chef du pouvoir exécutif et dans la courte durée de ses pouvoirs, que la constitution limite à deux années, avec interdiction de réélection, qu’il faut chercher la cause et le prétexte de la guerre civile du Venezuela. Inintelligible aux masses, cette constitution n’est pas pour entraver l’action d’une volonté forte qui en contrôle les ressorts, qui les assouplit à sa main et les fait fonctionner à sa guise, convertissant le conseil fédéral en un conseil d’État docile,