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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/602

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créer de nouveaux, telle est la raison économique qui a fait signer les traités du 6 décembre 1891. Ce ne saurait être pour la réalisation du même dessein que le parlement français prononçait, dans le même temps, l’anathème contre les traités de commerce et exaltait la protection, les tarifs autonomes, l’isolement commercial, l’indépendance économique.


V.

Le résultat le plus clair jusqu’ici de l’application de notre nouvelle législation douanière est que l’industrie et le commerce sont menacés chez nous de tomber dans un état de langueur, que nos exportations ont diminué depuis le 1er février dernier, et que le rendement des douanes est inférieur de 20 millions aux prévisions budgétaires, malgré l’importation considérable qui a eu lieu en janvier, avant la mise en vigueur des nouveaux droits. Pour le seul mois d’octobre, la moins-value atteint 3,200,000 francs. Quant à nos exportations de produits fabriqués, elles sont en diminution de 56 millions de francs sur les chiffres de la période correspondante de 1891.

Au fait brutal de la réduction de nos exportations, on pourra opposer la prospérité dont le tarif de 1892 a été la cause rapide pour un grand nombre d’entreprises industrielles, notamment certaines grandes compagnies métallurgiques. Ces sociétés, en effet, ont pu relever leurs prix, sont accablées de commandes, voient s’enfler leurs bénéfices et monter les cours de leurs titres. Il eût été vraiment fâcheux pour la thèse protectionniste que ceux-là mêmes pour qui la protection agit avec le plus d’intensité n’en eussent pas obtenu dans un court délai le bénéfice attendu. Mais, pour quelques entreprises favorisées, combien de lésées, sans parler de la masse des consommateurs !

La France est le pays le moins fait pour vivre sans traités de commerce. Sa prospérité économique est liée au développement de son exportation. Or l’isolement érigé en système, fondé sur l’établissement d’un tarif protectionniste, expose à des représailles aboutissant à des fermetures plus ou moins complètes de débouchés. Nos produits sont repoussés du dehors, l’exportation s’anémie, et une quantité d’industries qui vivaient de la vente à l’étranger souffrent et s’étiolent. Il reste, dira-t-on, le marché intérieur. Mais ce marché, qu’on ne l’oublie pas, n’est plus depuis longtemps susceptible d’expansion, puisque le chiffre de la population ne s’accroît pas. La concurrence sans cesse plus active, le perfectionnement