presque au hasard, sans que leur action probable ait été d’abord et aussi exactement que possible mesurée, en sorte que, même au point de Tue protectionniste, un travail de correction ne pourrait être qu’utile. Si le parlement se décide à le reconnaître et à remettre au point un certain nombre de droits où un excès de fidélité au principe général avait fait dépasser la mesure, il aura déjà enlevé à toute l’œuvre de janvier 1892 une partie de ses plus fâcheux élémens. Une première satisfaction donnée aux intérêts supérieurs, qui exigent que des liens de confraternité commerciale soient au plus tôt renoués entre la France et les pays voisins, préparera le retour à une situation normale. L’isolement économique, où nous aurons paru nous complaire un instant, mais seulement pour en mieux éprouver les inconvéniens, ne se présentera plus comme la form3 inévitable de notre destinée nationale.
Pour toutes ces raisons, il est désirable que nos législateurs per- dent rapidement l’aversion, plus factice que réelle ou judicieuse, qui leur a été inspirée contre les traités à tarifs, et qu’ils donnent une preuve de ce nouvel état d’esprit en offrant à la Suisse les conditions de tarif qui peuvent seules lui permettre de s’engager avec nous. Il est vrai qu’en émettant ce souhait nous risquons de ne point nous trouver d’accord avec les gens qui ne veulent que des satisfactions complètes et pour qui le bien ne peut sortir que de l’excès du mal : « Laissez donc, disent-ils, les protectionnistes pousser leur système à toutes ses conséquences logiques, entourer nos frontières d’une muraille de Chine, rompre peu à peu ce qui nous reste de relations commerciales et nous brouiller avec tout l’univers ! Lorsque la diminution croissante des droits de douane aura installé le déficit dans nos budgets et que notre commerce d’exportation sera bien ruiné, il est probable que les électeurs, édifiés par la cherté grandissante des prix et par l’élévation des impôts, renverront les députés protectionnistes à une étude plus attentive et plus intelligente des lois économiques. Alors le tarif de 1892 aura vécu. » Comme toutefois il aura pu, dans l’intervalle, accomplir tout le mal dont il est capable et auquel il est destiné, mieux vaut encore atténuer dès le début l’énergie de son action funeste et chercher à la réduire peu à peu à l’impuissance. C’est une politique moins dramatique, mais plus sûre et plus soucieuse des vrais intérêts du pays.
AUGUSTE MOIREAU.