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que par le don d’adaptation. Il s’assimile tout, pourrait-on dire, et il n’invente rien. On l’a dit en effet. Qu’en faut-il penser ?


II.

Il y a sur le Juif deux opinions courantes. Les uns lui attribuent un esprit, sinon un génie étranger, antipathique à notre race, ce qu’ils dénomment l’esprit sémitique. Les autres, et souvent les mêmes, assurent que le Juif est dénué de tout génie propre, de toute originalité. À les entendre, il n’a jamais rien inventé, il n’est dans l’art ou dans la science, comme partout, qu’un arrangeur, un apprêteur. « Voyez-les, me disait un de mes amis, ils montent lestement avec une agilité de singe ou d’écureuil les premiers barreaux de toutes les échelles, ils grimpent parfois jusqu’au sommet, mais n’y ajoutent jamais un échelon. » Soit ; mais combien d’entre nous ajoutent un échelon à la mystérieuse échelle que nous dressons vers l’infini dans le ciel vide ?

Des hommes qui tiennent les débris d’Israël pour un élément ethnique distinct entre tous affirment que, dans l’art, la poésie, la philosophie, Israël n’a jamais eu rien d’original., Pour eux, il est dépourvu de toute faculté créatrice. C’est la marque de l’esprit sémitique opposé à l’esprit aryen. Le sémite est stérile. Il en est de son cerveau comme de ses bras, le Juif ne produit rien. Il se contente de s’approprier, pour le mettre en œuvre, le travail des autres ; il fait valoir les idées et les inventions comme il fait valoir les écus, il les combine, il les exploite, il les met dans le commerce. Il vit toujours sur autrui ; pour un peu, l’on dirait qu’il est le parasite de l’art ou de la science.

C’est à peu près la théorie de Wagner pour l’art le plus cultivé des juifs, pour la musique[1]. Selon Wagner, des Juifs tels que Mendelssohn, Meyerbeer, Halévy, Hérold, ont pu réussir à composer une symphonie allemande ou un opéra français ; ils n’ont pas su inventer une forme d’art nouvelle. Mais pour être artiste et original, faut-il inventer des formes d’art nouvelles ? Et suit-il de là que le génie juif consiste uniquement dans une faculté de combinaison ? Incapacité de créer, défaut de spontanéité et d’originalité, telle serait partout la marque du juif. Israël aurait, à cet égard, quelque chose de la femme. Le sémite serait une race féminine possédant à un haut degré le don de réceptivité ; il lui manquerait toujours l’énergie virile, la puissance génératrice. Par là, ce serait bien, malgré tout, une race inférieure.

En est-il ainsi vraiment, il nous vient une réflexion ; c’est que

  1. Wagner, Das Judenthum in der Musik.