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tradition latine, à l’Église romaine, aux Jésuites, — car, au dehors, non moins que chez nous, il est des gens qui mettent tout sur le compte du jésuite, comme d’autres sur le compte du Juif. Jésuite ou Juif, l’un comme explication vaut l’autre : ce sont nos deux boucs émissaires ; on peut tout rejeter sur eux. Ils ont tous deux bon dos.

Il nous reste une primauté que personne ne dispute à la France de la troisième république : c’est celle de la pornographie. Sur ce terrain, nous sommes sans rivaux. Pour certains lie nos journaux, littéraire est devenu synonyme de pornographique. Cette abjecte royauté, à qui la devons-nous ? Est-ce au Juif ? est-ce le sémite, avec ses antiques kedeshoth qui nous a fait passer du culte de la dame au culte de la fille ? Mais l’Angleterre compte autant et plus de Juifs que la France, l’Allemagne en possède sept ou huit fois plus que nous ; et anglaise ou allemande, la littérature de nos voisins n’est pas contaminée comme la nôtre. Le conteur galicien, Sacher-Masoch, raconte qu’un relieur israélite d’une bourgade de Hongrie, ayant reçu d’une de ses coreligionnaires un roman de Zola, répondit à sa cliente qui lui réclamait le volume : — « Je l’ai fourré au poêle, ce n’est pas un livre pour une femme juive. » — De combien de livres ou de journaux rédigés ou édités par des Juifs, n’aurions-nous pas à dire : cela n’est point pour une femme chrétienne ? — Mais les Juifs ont-ils la spécialité de cette marchandise littéraire ? sont-ils seuls à étaler dans nos feuilletons ces élégantes turpitudes ? Certes, le métier est trop profitable pour qu’aucun n’y mette la main. Nos ancêtres avaient des peintres qui peignaient à la cire et au jaune d’œuf, nous avons une école qui peint à l’ordure et trempe ses pinceaux dans l’immondice. Tels directeurs de feuilles populaires, qui font profession d’éclairer les foules, réclament la liberté de polluer la jeunesse et tiennent publiquement boutique d’obscénités, comme ailleurs, en des pays arriérés, ils auraient ouvert, dans une ruelle écartée, un bouge mal famé. Mais les tenanciers de ces bazars de lettres sortent-ils tous de Jacob ? — De même pour les écrivains dont la Muse, aux grâces de courtisane, s’ingénie aux poses lascives, experte à tous les artifices propres à chatouiller les sens des petits vieillards libidineux. Sont-ce bien toujours des fils de la maison d’Israël, retombés aux fornications d’Ohola et d’Oholiba, qui se font les prêtres d’Astarté, la Syrienne, et qui dansent en chantant d’impures litanies devant la Bête apocalyptique, vêtue de pourpre et d’écarlate, aperçue naguère par M. Alexandre Dumas[1] ? Sont-ils tous de Juda les chorèges de ces immodestes théories, les maîtres

  1. Lettre à M. Cuvillier-Fleury (préface de la Femme de Claude).