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L’HEURE PRÉSENTE

C’est le temps où les libraires préparent leurs livres d’étrennes, de beaux contes pour nos enfans. Je n’ai pas vu arriver, durant la dernière quinzaine, les volumes de littérature ou d’histoire qui servent habituellement di thème à ces entretiens. En revanche, un triste chapitre d’histoire vivante se faisait sous nos yeux. Je ne saurais trouver un meilleur texte, en clôturant cette année de travail, pour résumer et appliquer aux faits contemporains les réflexions où l’étude des phénomènes intellectuels nous a souvent ramenés. — Mais qu’est-il besoin de texte, d’entrée en matière et de rattachemens artificiels ! Des heures graves sonnent sur la patrie. Arrachée à ses études et à ses rêves, l’âme de l’écrivain est invinciblement obsédée par ce tintement de glas ; elle ne peut renvoyer d’autre écho. Je voudrais écarter aujourd’hui tout ce qu’il y a de conventionnel dans notre métier littéraire ; en prenant la plume, je me suis promis d’être simple et sincère, comme si je pensais tout haut dans une île déserte.


I.

Chacun voit où nous tombons, et de quelle chute rapide ; chacun sent, chacun dit franchement, dans le particulier, ce que n’essaie même plus de déguiser le mensonge écrit des journaux satisfaits. — Notre république avait triomphé de toutes les fatalités conjurées contre elle. Lentement affermie, après vingt ans de longues