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empire. On l’admirera sans doute bien plus encore si M. Bouchot, comme nous l’espérons, ne s’en tient pas à ce premier volume ; et qu’après avoir retracé l’histoire du luxe sous le premier empire, il la poursuive à travers les temps de la restauration et du gouvernement de juillet. La fidèle reproduction d’un chapeau cabriolet ou d’une redingote à la propriétaire en sera la pire caricature, — je veux dire la meilleure, — et l’on comprendra que tant de caricaturistes aient commencé, comme Gavarni lui-même, par être des « modistes » ou fini, comme Grévin, par être des « costumiers. » Mais l’empire, lui, a eu vraiment un style, qu’on peut ne pas aimer, dont même on peut sourire, qui n’en a pas moins son originalité réelle ; et si la marque s’en reconnaît jusque dans les exagérations de la mode, c’est ce qui les sauve d’être grotesques. On se tromperait au surplus, nous tromperions le lecteur si nous lui laissions croire que M. Bouchot, dans son livre, s’est uniquement ou principalement occupé de la « mode. » Il ne lui a donné qu’un chapitre, ainsi qu’il convenait, et son vrai sujet, c’est l’histoire des mœurs ou de la vie sociale et de ses diverses manifestations sous le premier empire. Si maintenant, pour en bien faire sentir toute l’importance, il était nécessaire de mettre « Oberkampf au-dessus du premier maréchal de l’empire, » ou de sacrifier le vainqueur lui-même « d’Austerlitz et de Wagram, au très modeste Parmentier, » c’est ce que nous ne discuterons point, et il nous suffit de savoir que tous aujourd’hui, tant que nous sommes, c’est là, dans ces années de la révolution et de l’empire, que nous avons nos origines. M. Bouchot l’a bien vu, et il l’a bien montré. Son livre, admirablement illustré, l’un des mieux illustrés que nous ayons parcouru cette année, n’est pas moins instructif à lire qu’agréable à feuilleter, et, rempli qu’il est de faits peu connus ou de détails demeurés inédits, nous ne doutons pas qu’il serve beaucoup aux historiens de l’empire. La mode et le Chez-soi, les Réceptions et les Sorties, les Arts et les Artistes, tous ces chapitres sont à lire ou plutôt à retenir, et ce n’est pas seulement aux curieux ou aux amateurs, c’est à tout le monde un peu que nous les recommandons.

Le XIXe siècle[1] de M. John Grand-Carteret est encore un beau livre, heureusement conçu, très supérieur à ceux de Paul Lacroix sur le XVIIIe ou sur le XVIIe siècle, imprimé comme il convient au renom des Didot, et enrichi, lui aussi, de nombreuses illustrations. « Comparer le siècle finissant au siècle commençant, montrer ainsi pour chaque chose, pour chaque partie spéciale, non-seulement les phases diverses, mais aussi les accroissemens successifs : » tel est le vaste programme que s’est à lui-même proposé M. John Grand-Carteret. Il ne nous

  1. XIXe siècle, en France, par M. John Grand-Carteret, ouvrage illustré de 16 planches coloriées et de 487 gravures, 1 vol. grand in-8o ; Firmin Didot.