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avant d’avoir lu les Capitales du monde[1], je ne l’aurais pas cru. Cependant, il s’en est rencontré plus de quatre, et de huit, et de douze pour collaborer à ce livre, — si toutefois M. François Coppée veut bien les reconnaître pour tels. Demander à M. Boissier de nous décrire Rome, à M. de Vogüé, Saint-Pétersbourg, Constantinople à Pierre Loti, Calcutta à M. James Darmesteter, Pékin à M. Maurice Paléologue, l’idée sans doute était ingénieuse, et l’exécution n’ayant pas déçu leur attente, nous espérons que le succès aussi ne trompera pas les heureux éditeurs de ce beau volume. Quelques étrangers n’ont pas dédaigné de concourir à cette œuvre plus qu’européenne et vraiment internationale. La reine de Roumanie a décrit sa capitale, M. Emilie Castelar s’est chargé de Madrid, sir Charles Dilke, de Londres, M. Harald Hansen, de Christiania, M. Camille Lemonnier, de Bruxelles. Si je ne mets pas ici le nom de M. Edouard Rod, c’est que je craindrais de lui faire des affaires avec son gouvernement. Mais pour les « illustrateurs, » je n’en finirais pas, si je voulais énumérer tous les peintres, de toutes les nations, eux aussi, dont les tableaux, dessins, ou croquis font de ce volume le plus divers, le plus cosmopolite, et le plus u suggestif » des albums. Ah ! ce n’était point dans de semblables albums que nous apprenions jadis la « géographie pittoresque, » mais en revanche ils coûtaient plus cher.

Toutes ces grandes villes sont trop civilisées, et vous verrez qu’un jour elles finiront par se ressembler toutes. Les Iles oubliées[2], — ce sont les Baléares, la Corse et la Sardaigne,— ont quelque chose de moins artificiel, ou de plus sauvage même, si nous en croyons les très sincères et très originales impressions qu’en a rapportées M. Gaston Vuillier. Le premier spectacle qu’il eut en arrivant à Palma, ce fut celui d’une gran corrida d’espèce assez rare, sans doute, où une jeune femme, la señora Mazantina, tenait l’emploi de toréador, et c’était en l’honneur de la canonisation du bienheureux Alonso Rodriguez ! La señora, blessée, roula dans la poussière, et la foule quitta la plaza de toros pour aller s’agenouiller sur le passage d’une procession dont l’effigie du saint, en cire, de grandeur naturelle, était le plus bel ornement. Mais d’autres spectacles attendaient M. Gaston Vuillier. Majorque est riche en monumens, dont on retrouvera la splendeur dans ses dessins ; riche en souvenirs, dont les plus littéraires sont ceux de Raymond Lulle et de George Sand, qui écrivit son Spiridion dans une cellule de la chartreuse de Valldemosa ; plus riche encore en beautés naturelles. Nous ne disons rien de la Corse, moins « oubliée » sans doute, ou plus connue que les Baléares. Mais il y aurait plaisir à

  1. Les Capitales du monde, 1 vol. in-8o ; Hachette.
  2. Les Iles oubliées, par M. Gaston Vuillier. Impressions de voyage, illustrées par l’auteur, 4 vol. grand in 4° ; Hachette.